SherWat
N° 13 : Coup de bol et pain béni
Docteur
WATSON : Holmes, si vous êtes chez vous ou au restaurant, retournez
votre pain, je vous en conjure.
Sherlock
HOLMES : Docteur, qu'est-ce qui vous prend de me parler ainsi? Je ne
mangerai pas de ce pain-là.
Docteur
WATSON : Vous vous moquez de moi, c'est ça? Je sais que vous ne
l'avez pas retourné. Avez-vous au moins vérifié?
Sherlock
HOLMES : Mon pain est à sa place, sur la table, attendant que je le
coupe en tranches idoines.
Docteur
WATSON : Mais il est à l'envers, je parie. A cause de vous, je
n'arrête pas de perdre.
Sherlock
HOLMES : Vous êtes encore au tripot? Et vous rejetez votre malchance
sur moi! Honte à vous, docteur.
Docteur
WATSON : Ayez pitié, Sherlock! J'ai besoin d'argent pour faire
soigner ma fiancée.
Sherlock
HOLMES : Une fiancée, maintenant! Et puis quoi, encore? Nous en
sommes donc là: vous voulez m'attendrir.
Docteur
WATSON : Dois-je me mettre à genoux? Voilà, j'y suis: je vous
implore de retourner votre pain.
Sherlock
HOLMES : Comment voulez-vous que je le vérifie au twittographe? Je
n'ai d'autre choix que de vous croire sur parole.
Docteur
WATSON : Merci. Avez-vous exécuté votre part du contrat?
Sherlock
HOLMES : Ah bon, c'est un contrat? Eh bien, oui: le pain est à
l'endroit. Votre chance a-t-elle tourné?
Docteur
WATSON : Je ne sais pas, il faut que je mise. Je n'ai presque plus
rien.
Sherlock
HOLMES : Il va falloir prendre des mesures radicales, Watson. En
êtes-vous conscient?
Docteur
WATSON : J'ai perdu! Il ne me reste qu'un shilling. Vous avez menti;
vous n'avez pas retourné votre pain.
Sherlock
HOLMES : Elle est bien bonne. Et que comptez-vous gagner en vous
comportant ainsi? Mon admiration?
Docteur
WATSON : Vous êtes dur avec moi, Holmes. Un jour prochain, cela
pourrait vous jouer des tours.
Sherlock
HOLMES : Espérons que ce seront des tours de magie. C'est toujours
plus divertissant que la superstition.
Docteur
WATSON : J'en étais sûr. Vous ne croyez en rien. Vous n'êtes qu'un
bougre de nihiliste nietszchéen.
Sherlock
HOLMES : A vos souhaits, mon vieux. Misez donc votre dernier kopeck
sur le 13. Pour voir.
Docteur
WATSON : Le 13! Le 13 est sorti. Je suis renfloué. Comment avez-vous
fait?
Sherlock
HOLMES : Je ne vous le dirai jamais; vous refuseriez de me croire.
SherWat
N° 14 : Vacances à Ibizarre
Sherlock
HOLMES : Watson, on a besoin de nous de toute urgence à Gatwick.
Docteur
WATSON : Holmes, je suis en vacances. Je vous l'ai dit quatorze fois
au cours du mois écoulé.
Sherlock
HOLMES : En... vacances? A quoi bon? Interrompez-les. Rejoignez-moi à
Gatwick, chez Lord–
Docteur
WATSON : Vous ne comprenez pas: je suis à Ibiza. Et pas seul.
Débrouillez-vous sans moi, mon ami. Pour une fois.
Sherlock
HOLMES : Ibiza? Mais c'est trop loin. Vous ne serez jamais à Gatwick
à temps.
Docteur
WATSON : Je suis heureux que vous en preniez conscience. Bonne chance
pour votre affaire.
Sherlock
HOLMES : C'est tout? Vous ne voulez même pas savoir de quoi il
s'agit? Figurez-vous qu'il y a eu un cambriolage chez–
Docteur
WATSON : Je n'y peux et n'y pourrai rien, mon vieux. Je vais éteindre
mon twittographe. ¡Salud!
Sherlock
HOLMES : Ne faites pas ça, malheureux; vous– Vous avez éteint!
Misérable. Je sais ce qui me reste à faire.
Docteur
WATSON : Holmes! Comment diable avez-vous réussi à joindre ma
compagne sur son twittographe?
Sherlock
HOLMES : Vous me l'avez présentée sept fois au cours du mois
écoulé. Croyez-vous que je ne l'aie pas remarquée?
Docteur
WATSON : Vous ne lui avez jamais adressé la parole. Elle m'ordonne
de rentrer à Londres. Elle fait les bagages!
Sherlock
HOLMES : Vous voyez: elle a compris l'importance de l'affaire. Rdv à
Gatwick, chez Lord Muirballockburn.
Docteur
WATSON : Vous me le paierez, Holmes. D'autant plus que c'est inutile;
la piste sera froide le temps que j'arrive.
Sherlock
HOLMES : J'ai fait courir le bruit que le tableau volé était un
faux. Le voleur va revenir chercher l'authentique.
Docteur
WATSON : C'est pour ça que vous avez besoin de moi? Faire le
pied-de-grue! Votre facture sera salée, croyez-moi.
Sherlock
HOLMES : C'est pour l'art, Watson. Il n'y a rien d'autre à espérer
que la satisfaction morale du devoir accompli.
Docteur
WATSON : J'aurai plus de satisfaction à vous aplatir la truffe qui
vous sert de nez.
Sherlock
HOLMES : Docteur! N'oubliez pas que je redirige vos messages à votre
dulcinée. Qu'ira-t-elle penser de vos manières?
Docteur
WATSON : Elle a menacé de rompre si j'insistais pour partager une
cabine avec elle. Holmes, je vous... Oh, f**k!
Sherlock
HOLMES : Rien de tel que le travail pour noyer son chagrin. Hop, mon
vieux! Dans le bateau.
SherWat
N° 15 : Un argument de poids
Sherlock
HOLMES : Watson, vous qui avez voyagé dans le Pacifique, que
pouvez-vous me dire sur la notion de "mana"?
Docteur
WATSON : Oh, je n'étais qu'enseigne dans le détroit de Torrès. Le
mana serait l'énergie vitale de tout et chacun.
Sherlock
HOLMES : Il est donc bien question d'énergie. Et comment ça marche?
Docteur
WATSON : Le mana est une force, un ensemble de ressources; on en a ou
on n'en a pas. Ça ne se commande pas.
Sherlock
HOLMES : Et la magie, alors? A quoi bon inventer une énergie que
l'on ne peut contrôler?
Docteur
WATSON : Les Indiens se contentent de sa présence ou de son absence.
Ils ne l'ont pas inventée mais constatée.
Sherlock
HOLMES : Ne m'avez-vous pas raconté que certains insulaires sont
particulièrement gras? Les Samoans, notamment.
Docteur
WATSON : Si fait. Et alors?
Sherlock
HOLMES : Et qu'à l'instar des Orientaux, ils vieillissent d'un coup,
à un âge parfois très avancé?
Docteur
WATSON : J'ai peut-être dit quelque chose dans ce sens mais ce n'est
pas une vérité pure. Mais encore?
Sherlock
HOLMES : Ce surpoids lié à une peau sans ride est donc très
répandu? Répondez oui, cela confirmera ma théorie.
Docteur
WATSON : Je ne vais pas déformer la réalité pour vous faire
plaisir. De quelle théorie parlez-vous, cette fois?
Sherlock
HOLMES : Je ne l'ai pas encore nommée. Je l'ai dérivée de la
théorie épiquantique du Prof. Onestone.
Docteur
WATSON : Ce fatras incompréhensible? Je n'ai même pas saisi de quoi
cela traitait.
Sherlock
HOLMES : Ah, vous l'avez lue? Selon moi, elle prouve que plus on est
gros, plus on vieillit rapidement.
Docteur
WATSON : Quel rapport avec l'énergie cosmique? Cela s'explique par
une simple questions d'artères bouchées.
Sherlock
HOLMES : C'est la masse qui se multiplie au carré de la vitesse de
la lumière. Elle se consume exponentiellement.
Docteur
WATSON : Le carré de la v..? Holmes, je ne saurais dire pourquoi,
mais vous vous trompez du tout au tout.
Sherlock
HOLMES : Vous réfutez toujours la nouveauté par principe. Je vous
dis que notre théorie va révolutionner la science.
Docteur
WATSON : "Notre" théorie? Ne me mêlez pas à cette
affaire, je vous prie. Le Prof. Onestone est-il au courant?
Sherlock
HOLMES : Béotien! Quoi qu'il en soit, je vais rester mince. J'ai
décidé de vieillir le plus lentement possible.
Docteur
WATSON : Grand bien vous fasse, Holmes. Je ne vous contredirai pas
sur cet embonpoint.
FIN
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