D. CHRONIQUE À LIRE SUPER VITE AVANT QU'ELLE NE S'ÉPILE ou A quoi bon acheter un livre dont l'encre s'efface ?
Pensiez-vous
que tout pourrait s'améliorer bientôt ? Voici un exemple de ce
que certains appellent un progrès littéraire : le livre dont
l'encre s'efface.
Le progrès
technologique a encore fait "progresser" l’humanité d’un
cran... sans préciser dans quel sens. Il s’agit du livre à encre
biodégradable. Tu l’achètes sous vide, tu l’ouvres, l’air (ou
la lumière) entre en contact avec l’encre et entame lentement son
travail de sape. Deux mois plus tard, les pages sont blanches ;
si tu n’as pas fini, tu es bon/ne pour le racheter. Pas mal, non ?
comme "stratégie" marketing. Faut en parler à Naomi
Klein, ça devrait la faire rire.
Quoique.
Soit dit en
passant, comme il m’étonnerait fort que ladite dégradation
s’opère brusquement, cela veut dire que la lisibilité du bouquin
en question va baisser peu à peu dès l’ouverture, et donc si tu
as des yeux médiocres (ce qui est le cas de 40 % de la
population mondiale), tu as sacrément intérêt à te grouiller si
tu veux connaître la fin de l’intrigue. A condition qu’il y en
ait une, bien sûr. (Bon, tu peux aussi faire comme une partie des
lecteurs, qui lisent la fin avant le début, mais ça, c’est un
truc que je n’ai jamais compris ; c’est un peu comme si on
voulait avoir l’orgasme avant les préliminaires. Mais ne soyons
pas sectaires.)
On connaissait
déjà les munitions biodégradables, qui permettent de tuer des gens
et des bêtes sans polluer leur cadavre ou la
nature-qui-nous-remercie ; on a donc maintenant la culture
destinée à ne pas laisser de traces dans la réalité. Avant, pour
ça, on avait la mode, qui est la culture qui ne laisse pas de traces
dans les mémoires.
Bloomsbury,
l’éditeur de Happy Rotter, avait déjà "inventé" la
compétition entre lecteurs pour avoir chacun son exemplaire et être
le premier à l’avoir fini, au lieu de se les prêter mutuellement
et de les lire chacun à son rythme, comme c’est la coutume entre
amis et êtres humains depuis l’aube de l’écriture ; une
"idée commerciale" (pardon pour l’oxymore) qui leur a
permis de vendre des dizaines de millions d’exemplaires de leurs
bouquins banals (et allez ! encore un héros blanc, anglo-saxon,
protestant, destiné à être "le meilleur" ou "l'unique"
ou "l'élu", et qui n’utilise jamais son cerveau) là où
un éditeur banal n’en aurait vendu que quelques dizaines de
milliers, au mieux. Après, on a eu droit à Eragon, la saga à
côté de laquelle Donjons & Dragons the movie a l’air
d’avoir été écrit et réalisé par Orson Welles qui aurait perdu
un pari contre Chuck Norris.
Alors, que peut
bien être l’étape suivante de cette merveilleuse "évolution"
culturelle, à votre avis ? Eh bien, j’ai brièvement réfléchi
à la question (environ 0,0008 seconde) : je me suis glissé
dans la peau d’un éditeur "moderne", pour en ressortir
aussi sec avant d’être malade. Il m’a bien fallu ça pour
comprendre ce que nous préparent nos chers amis les professionnels
de la profession. C’est tout bête : dès demain, le contrat
d’édition à compte d’auteur-mort-avant-l’heure sera mis
en place. Son fonctionnement ? Très simple : vous avez
écrit une grosse daube invendable, que même votre mère n’arrive
pas à lire jusqu’au bout ? Proposez-la à n’importe quel
éditeur qui pratique le contrat à compte
d’auteur-mort-avant-l’heure ; signez les yeux fermés et
allez vous suicider sans avoir rédigé votre testament (sinon, c’est
de la triche ; l’éditeur le fera casser, de toute façon,
mais ça va lui coûter des sous, et il ne sera pas content, le
pauvre). Vous aurez la certitude, que dis-je ? la garantie en or
massif, que votre ouvrage majeur (et unique, sinon vous n’avez rien
compris) sera publié sous quinzaine et deviendra un
Best-c’est-l’heure ! Deux mois plus tard, vous serez
totalement oublié/e mais heureux/se comme un ange qui s’est fait
greffer un zizi ou une cliquette (voire les deux), au paradis des
écrivains qui ont "marqué le siècle de leur emprunte
indélébible" (pour citer le journaliste sportif qui sera
chargé de votre rubrique nécro, laquelle sera assez courte pour
paraître sur Twitter).
Post-scriptum :
Au fait, puisque le livre dégradable commence à pourrir à compter
de l’ouverture (au contact de l’air et de la lumière, si j’ai
bien compris ; preuve qu'il doit être composé à base de
bactéries – miam !), nous avons à notre disposition une arme
toute simple : quand vous en voyez une pile en magasin, déchirez
les emballages d’un coup de clé ou d’ongle ou de burziquette (si
vous en avez une sur vous), en n’ayant l’air de rien (c’est ce
qui se fait de mieux dans les Fnacultura). Mais attention :
faites une belle entaille visible, afin que ceux qui l’achètent
malgré tout s’en aperçoivent à temps et ne l'achètent pas.
Quoique, si c'est
un des miens..
*
* *
E. TRADUCTION = TRAHISON = TRADITION
Exemple de traduction pourrie, et comment elle a été combattue (en vain)
Afin de bien vous
montrer l'ampleur des dégâts, nous allons détailler
longuement quelques exemples précis des pratiques en vigueur dans le
milieu éditorial, à l'insu du public qui ne peut évidemment juger
que le produit fini, non la méthode qui y a conduit. Ce sera un peu
long ; nous allons procéder en trois étapes.
Voici un extrait
en VO (le début) du roman de William Gibson, Pattern Recognition
(G.P. Putnam and Son's, 2003).
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1
The website of dreadful night
Five hour's New
York jet lag and Cayce Pollard wakes in Camden Town to the dire and
ever-circling wolves of disrupted circadian rhythm.
It is that flat
and spectral non-hour, awash in limbic tides, brainstem stirring
fitfully, flashing inappropriate reptilian demands for sex, food,
sedation, all of the above, and none really an option now.
Not even food, as
Damien's new kitchen is as devoid of edible content as its designer's
display windows in Camden High Street. Very handsome, the upper
cabinets faced in canary-yellow laminate, the lower with lacquered,
unstained apple-ply. Very clean and almost entirely empty, save for a
carton conatining two dry pucks of Weetabix and some loose packets of
herbal tea. Nothing at all in the German fridge, so new that its
interior smells only of cold and long-chain monomers.
She knows, now,
absolutely, hearing the white noise that is London, that Damien's
theory of jet lag is correct : that her mortal soul is leagues
behind her, being reeled in on some ghostly unmbilical down the
vanished wake of the place that brought her here, hundreds of
thousands of feet above the Atlantic. Souls can't move that quickly,
and are left behind, and must be awaited, upon arrival, like lost
luggage.
She wonders if
this gets gradually worse with age : the nameless hour deeper,
more null, its affect at once stranger and less interesting ?
Numb here in the
semi-dark, in Damien's bedroom, beneath a silvery thing the color of
oven mitts, probably never intended by its makers to actually be
slept under. She'd been too tired to find a blanket. The sheets
between her skin and the weight of this industrial coverlet are
silky, some luxurious thread count, and they smell faintly of, she
guesses, Damien. Not badly, though. Actually it's not unpleasant ;
any physical linkage to a fellow mammal seems a plus at this point.
Damien is a
friend.
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Voici maintenant
un premier jet de traduction, effectué par moi à main levée, sans
réécriture, en collant au plus près de la grammaire et du style de
l'auteur (sans pour autant aller jusqu'à l'absurde ; le but est
que cela soit évocateur en demeurant compréhensible).
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1
Le site web de l'effroyable nuit
Cinq heures du
décalage horaire de New York et Cayce Pollard s'éveille dans Camden
Town cernée par les loups terrifiants de son rythme circadien
perturbé.
C'est la non
heure plate et spectrale, inondée de fluctuations limbiques, tronc
cérébral remuant par intermittence, émettant ses inadéquates
exigences reptiliennes à propos de sexe, de nourriture, de sommeil
induit, de tout cela, sauf que rien n'est vraiment possible,
maintenant.
Pas même la
nourriture, puisque la nouvelle cuisine de Damien est aussi dépourvue
de contenu comestible que son équivalent design exposé en
vitrine dans Camden High Street. Très séduisants, les placards
suspendus aux façades en stratifié jaune canari, ceux du bas en
contreplaqué de pommier laqué, immaculé. Très propres et presque
entièrement vides, à part un carton renfermant deux palets
desséchés de Weetabix et quelques sachets d'infusion épars. Rien
du tout dans le frigo allemand, si neuf que son intérieur ne sent
que le froid et les monomères à chaîne longue.
Elle sait
désormais avec certitude, en écoutant le bruit blanc qui
caractérise Londres, que la théorie de Damien sur le décalage
horaire est exacte : que son âme mortelle est à des lieues
derrière elle, en train de se rembobiner sur quelque ombilic
fantomatique le long du sillage évanoui de l'avion qui l'a amenée
ici, à des dizaines de milliers de mètres au-dessus de
l'Atlantique. Les âmes sont incapables de se déplacer aussi vite,
elles restent en arrière, et il faut les attendre, comme des bagages
perdus.
Elle se demande
si cela empire avec l'âge : cette heure sans nom, plus
profonde, plus vide encore, son kaffect en même temps plus étrange
et moins intéressant ?
Engourdie, là,
dans la pénombre, dans la chambre de Damien, sous un truc argenté
couleur de gant ignifugé, dont il n'a sans doute jamais été prévu
par ses fabricants que quiconque dorme dessous. Elle avait été trop
fatiguée pour trouver une couverture. Les draps entre sa peau et le
poids du couvre-lit industriel sont soyeux, d'un fil luxueux, et s'en
exhale une légère odeur de, elle imagine, Damien. Pas en mal,
toutefois. A vrai dire, ce n'est pas désagréable ; à ce
point, toute liaison physique avec un confrère mammifère est bonne
à prendre.
Damien est un
ami.
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Certes, ce n'est
pas une traduction parfaite et, pour être publiable, elle
nécessiterait encore quelques séances de travail. Mais mon but est
de vous en procurer l'essence, l'ambiance recherchée par l'auteur,
son style, ses mots, ses carences et ses
cadences, sa musicalité, bref, tout ce qui lui appartient en
propre et le caractérise.
Voici maintenant
ce qui a été publié par les éditions Au Diable vauvert en 2004 ;
l'individu qui a commis ce qui suit se nomme Cédric Perdereau, et il
s'agissait de sa deuxième traduction de livre pour cet éditeur ;
la première avait été celle de Marée haute,
un essai documentaire de Mark Lynas, traduction que nous (le
maquettiste et moi) avons passé deux semaines entières à corriger
et réécrire, en nous arrachant les cheveux1.
Nous passerons
sans nous attarder sur la mention "traduit de l'américain",
qui ne fait plus rire grand-monde tant elle est désormais
entérinée.2
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1
Le Site Web des heures noires
Cinq heures de
décalage horaire made in New York. Cayce Pollard se réveille à
Camden Town, cernée par les loups affamés de son cycle circadien
chamboulé.
Elle traverse la
fatidique non-heure d'inertie spectrale. Les déferlements limbiques
lui affolent le cerveau.
Ce bon vieux
reptile demande à tort et à travers du sexe, de la nourriture,
l'oubli, tout en même temps...
Rien de tout cela
n'est possible pour l'instant, pas même la nourriture : la
nouvelle cuisine de Damien est aussi vide que les élégantes
vitrines récupérées chez un designer de Camden Hight Street.
Étagères supérieures en plastifié jaune poussin, les plus basses
en contreplaqué laqué, aulne et bouleau mêlés. Le tout est très
propre, presque désert, à part une boîte contenant deux pains de
Weetabix complètement secs et quelques sachets de tisane épars.
Rien dans le frigo allemand étincelant, qui sent le froid et les
monomères longs.
A cet instant, en
entendant le bruit blanc qu'est Londres, elle est certaine que la
théorie de Damien sur le décalage horaire est juste : son âme
immortelle est loin derrière elle, au-dessus de l'Atlantique,
tractée sur quelque fantomatique cordon ombilical dans le sillage de
l'avion qui l'a menée jusqu'ici. Les âmes voyagent moins vite,
suivent à leur allure. Il faut les attendre à l'arrivée, comme une
valise perdue.
Elle se demande
si l'âge empire la chose : l'heure sans se fait-elle plus
profonde, plus vide, à la fois plus étrange et moins intéressante ?
Abattue là, dans
la semi-pénombre de la chambre de Damien, sous une couverture de
survie argentée, sorte de manique high-tech pas vraiment conçue
pour qu'on y dorme. Trop fatiguée pour trouver une couette. Les
draps, entre sa peau et ce lourd duvet industriel, sont soyeux, sans
doute luxueux. Vaguement imprégnés d'une odeur, aussi. Damien ?
Juste ce qu'il faut. En fait, ce n'est pas désagréable. Dans son
état, tout lien physique avec un frère mammifère paraît bienvenu.
Damien est un
ami. Point.
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Analysons ce
fatras : ponctuation et mise en forme non respectées, ce
qui change entièrement le rythme des phrases (exemples trop nombreux
pour les citer ; les trois quarts des phrases ont leur
ponctuation déformée) ; l'ajout de verbes là où il n'y en
avait pas, et inversement ; l'inepte et idiot "made in
New York" ; les abus d'interprétation (les "exigences
reptiliennes" qui deviennent ce bon vieux reptile, ce qui
occulte la référence aux travaux de Henri Laborit ; la "nuit
effroyable" qui devient les heures noires, supprimant la
référence au poème de William Blake The dreadful night shall
break (ainsi qu'à la
série télévisée Les Mystères de l'ouest) ; les
changements intempestifs (le "jaune canari" qui devient
jaune poussin, le "carton"
qui devient une boîte3) ;
les additifs indus, sans doute pour le cas où les gens ne
comprendraient pas ("Damien est un ami. Point.") ;
les fautes de grammaire (le verbe intransitif empirer qui
devient transitif) ; les erreurs de lecture ("l'âme
mortelle" qui devient immortelle ;
ce qui prouve soit dit en passant que le texte n'a pas été relu, à
moins qu'il ne s'agisse là d'un message idéologique caché) ;
les preuves d'incompréhension (les placards de cuisine dont
"l'équivalent design dans la vitrine" devient d'élégantes
vitrines récupérées chez un designer) ; les confusions en
chaîne (le "couvre-lit" qui devient une couverture de
survie, puis une couette, puis un duvet) ; les
extrapolations fantasques (l'"apple-ply" qui devient de
l'aulne et du bouleau mêlés4) ;
les mots qui disparaissent (tronc cérébral, inadéquates,
le sillage de l'avion qui n'est plus évanoui) ; ceux qui
sont dévoyés ("anesthésie"
qui devient oubli ; "engourdie"
qui devient abattue ;
les loups "terrifiants" qui deviennent affamés) ;
les mots qui apparaissent, sortant du néant (le frigo allemand
étincelant) ; les changements de registre forcés
(linkage qui devient un simple lien alors que c'est un
mot technique : une liaison forte ou un enchaînement)... Voilà
pour ce court extrait.
Plus tard, dans
tout le livre, le mot footage, qui signifie "métrage"
et désigne une longueur mesurable de pellicule exprimée en pieds ou
en mètres (et non en durée, comme le ferait un néophyte, ce qui ne
veut rien dire puisque la durée dépend de la vitesse de
défilement), est traduit par film, perdant ainsi son aspect
technique et spécifique, au profit d'un terme général beaucoup
plus faible et moins inquiétant, terme qu'un "fondu" de
cinéma n'emploierait pas. Cette erreur prouve en passant que le
"craducteur" n'a pas lu La Conspiration des Ténèbres de
Theodor Roszac (auquel Pattern Recognition constitue
un flagrant hommage), ce qui est bien embarrassant et signale
que, pour être un bon traducteur, la culture générale (entre
autres) est un atout, sinon une nécessité, notamment avec un auteur
aussi riche de sens que William Gibson.
Il y a beaucoup
plus inquiétant : lorsqu'on fait le décompte des mots, on
s'aperçoit d'une chose étrange : le texte sélectionné fait
325 mots dans sa VO ; ma traduction en compte 376, ce qui est
normal puisque, comme le savent tous les traducteurs, une traduction
effectuée dans ce sens (version) gonfle le volume final
d'environ 10 % (coefficient dit de foisonnement). Or la
"traduction" de CP ne compte que.. 330 mots !
Question :
où est passée la trentaine de mots qui manquent ?
Hypothèses :
- dans les
déferlements limbiques du craducteur, dont le cerveau affolé
n'arrivait pas à assumer le fait qu'il traduisait du William Gibson,
l'inventeur du cyberpunk, c'est-à-dire un maître-forgeur de
mots, un néologiste génial qui aurait nécessité un bon
traducteur ?
- dans le fait
qu'il croit "penser en anglais" au lieu de se contenter de
penser en français, puisque c'est la langue dans laquelle il est
censé écrire (quelqu'un a-t-il vérifié qu'il la connaissait ;
j'en doute) ?
- dans les
tractations qu'il a passées avec l'éditrice, laquelle était bien
contente de payer moins, puisque les traductions se paient au volume
du texte d'arrivée (10 % d'économisés, ce n'est pas
rien, et cela compte dans la balance pour le choix d'un traducteur,
surtout s'il travaille aussi vite que mal) ?
- dans la
croyance (répandue par certains éditeurs) qu'une bonne traduction
se doit de faire le même volume que le texte-source, ce qui ne peut
advenir que si on sacrifie 10 à 15 % des termes ;
le travail du traducteur devenant alors celui d'un censeur ?
- dans
l'incompétence et l'incurie dudit traducteur, qui n'a pas eu le
courage d'ouvrir son dictionnaire quand un mot résistait à son
"savoir" ? (vous me direz pour le défendre :
encore fallait-il qu'il se rendît compte de son ignorance et qu'il
possédât un dictionnaire) ;
- etc.
Si vous pensez
qu'une telle injure à auteur (et à lecteurs) a été lavée,
déchantez ; voici comment le problème a été traité par Au Diable vauvert :
Ayant lu ce
manuscrit et constaté le désastre lamentable que représentait la
"traduction" de l'individu Perdereau, et en avoir fait un
compte rendu circonstancié à la responsable (Marion Mazauric), j'ai
demandé plusieurs fois par quel miracle à rebours cet individu si
manifestement incompétent avait réussi à la convaincre de lui
confier, à lui un débutant inconscient de ses limites, un chantier
aussi complexe et délicat que Pattern Recognition ; il
va de soi que je n'ai jamais eu de réponse. Sans doute était-elle
trop grotesque à énoncer ; ou bien cette "responsable"
n'avait-elle pas le courage d'avouer qu'elle avait préféré le
confier à un tâcheron peu onéreux plutôt qu'à un ouvrier sérieux
mais évidemment plus cher – mézigue, par exemple, qui lui avais
signalé à maintes reprises que j'étais prêt à faire ce travail.
Ce petit bout de
texte, équivalent à une seule page de l'édition originale,
contient plus de cinquante fautes de traductions, dont la moitié
sont graves et inadmissibles, puisqu'elles transforment abusivement
le texte original, en l'affaiblissant et en le faisant devenir
quelque chose d'autre, quelque chose qui n'est pas du William
Gibson. Ramené aux proportions du livre (355 pages), cela nous
donne la bagatelle d'environ 17.000 (dix-sept mille !) fautes du
même acabit. Le fait qu'un éditeur professionnel5
n'en ait repéré qu'une centaine en dit long, soit sur ses
compétences en la matière, soit sur ses intentions, qui ne sont
manifestement pas de respecter l'auteur. Quant à respecter les
lecteurs, tout le monde sait bien que ceux-ci n'ont rien à dire et qu'ils
ne sont pas aptes à juger, puisque les éditeurs sont là pour
penser à leur place et leur cacher le pot aux roses. D'ailleurs,
s'ils osaient s'exprimer, où le feraient-ils ? Sur leur blog ?
Les professionnels s'en foutent. Sur un forum influent ? Il n'y
en a pas.
La question est
donc réglée, pas vrai ?
Et c'est ainsi,
dans l'hypocrisie la plus veule, que cette craduction immonde a bel
et bien été publiée malgré mes avertissements.
[Cerise sur le
gateau ? En 2014, ce livre a été réédité... sans la moindre
correction.]
*
* *
F. RENCONTRE AVEC UNE ÉDITRICE (ou pas)
Le 29 octobre
2015, l'éditrice Sabine Wespieser est venue tenir conférence dans
mon patelin. Etant donné que celui-ci consiste en 4500 habitants
difficiles à motiver dès lors qu'il est question d'autre chose que
consommer des produits du terroir, je m'attendais à une faible
présence publique. Je fus donc agréablement surpris de compter pas
loin de cinquante personnes dans une salle au décor bucolique.
Mieux
encore : la parité était presque respectée, et la pyramide
des âges assez bien représentée. SW ne manqua pas, d'ailleurs, de
nous "féliciter" pour notre équilibre social des genres.
Il est rare, en effet, qu'un échantillon de lecteurs ne soit pas
calqué sur la proportion statistique de 64 / 36 % en faveur des
femmes.
Un
journaliste "animait" l'éditrice en lui posant des
questions classiques et sympathiques auxquelles elle répondait avec
clarté et une certaine aisance, dépourvue de cet artifice qui
trahit le prédateur en chasse (ou l'acteur qui pose).
Le
premier couac intervint au bout de trois quarts d'heure, environ.
Parlant des rapports entre auteurs et éditeurs, SW décrivit (une
partie de) son expérience personnelle, citant en exemple l'une de
ses auteures à succès qui décrit l'éditeur idéal comme étant
"quelqu'un qui l'attend" ; ce qui est assez joli mais
laisse la porte ouverte à pas mal d'interprétations.
(Personnellement, je préfère un éditeur qui fait son boulot
correctement sans que je sois obligé de lui taper dessus et qui paye
à l'heure sans que je sois obligé de le mettre en demeure ;
mais chacun ses goûts). Et SW conclut son intervention sur ce sujet
en disant "J'aimerais que des auteurs soient présents pour vous
parler de leur expérience."
Ce
n'était pas encore l'heure du débat ; je ne pouvais donc poser
la question évidente soulevée par cette opinion aussi curieuse
qu'erronée. On y passa bientôt ; je la posai donc sans
tarder : "Comment savez-vous qu'il n'y a pas d'auteurs dans
la salle ?"
SW
leva aussitôt les bras au-dessus de la tête, s'exclamant : "Je
vous préviens : je ne prends pas de manuscrits pendant mes
conférences ! "
Et
le public de rire (peut-être jaune, pour certains d'entre eux ;
dur à dire).
Ma
question suivante était toute prête : "Qu'est-ce qui vous
fait croire que j'ai un manuscrit à vous proposer ?" mais
devinez quoi ? on m'avait promptement arraché l'unique micro
des mains. Pratique, non ?
J'aurais
pu gueuler, mais vous savez parfaitement ce qu'on fait des gens qui
parlent plus fort que l'intervenant dans les assemblées policées.
Dans
le brouhaha, SW tenta vaguement de rattraper la sauce foirée par son
préjugé malencontreux (du moins, elle a peut-être compris que c'en
était un) mais elle s'empêtra dans l'une de ces promesses dont les
éditeurs sont friands (comme tout ce qui ne leur coûte rien) :
"Je le lirai jusqu'au bout." A-t-elle seulement entendu que
je répétais n'avoir rien à lui soumettre et que j'aurais bien aimé
avoir la réponse à ma question ?
Un
membre du public (ou un de ses amis, peut-être celui qui, un peu
plus tôt, avait reçu un coup de téléphone auquel il s'était
empressé de répondre au lieu d'éteindre son engin malpoli)
s'empressa de remettre le débat sur ses rails, ceux du conformisme
de bon aloi.
Il
n'y a donc pas eu Rencontre entre un éditeur et un auteur. Une fois
de plus. Une fois de plus, un éditeur, confronté à une situation
authentique (un auteur méconnu voulant parler boutique avec un
éditeur fameux en public !) s'est barricadé derrière
un préjugé sans se soucier de vérifier les conséquences de ses
dires, puis, dès lors qu'on lui posait une question inhabituelle,
s'est empressé de dénigrer un auteur pour le jeter en pâture à la
foule.
La
foule de ses lecteurs potentiels. Son public, donc. Ses acheteurs.
La
chose est d'autant plus déplorable que j'ai bien aimé les deux
livres publiés chez elle que j'ai lus (L'invention de la Vénus
de Milo de Takis Theodoropoulos, et Les villes de la plaine de
Diane Meur). Bien sûr, ce n'est pas de la littérature spéculative
ni même spéciale, mais ce n'est pas non plus de la littérature
blanche (c'est-à-dire vide, plate et rectangulaire), encore moins ce
cadavre ambulant et nauséabond qu'est l'autofiction.
SW
l'a dit elle-même : elle est un "dinosaure qui continuera
à faire des livres de papier, quoi qu'il arrive, parce qu'ils
existeront toujours". Je partage ce point de vue, et nous
disparaîtrons donc ensemble. Alors pourquoi n'ai-je pas été
entendu par cette personne ? Qu'est-ce qui l'a poussée à
nier a priori la présence d'un écrivain professionnel dans
son assistance ? Craignait-elle de se faire ravir la vedette ?
Pourquoi les éditeurs français se définissent-ils essentiellement
par leur faculté à NE PAS ENTENDRE les auteurs qu'ils rencontrent
réellement ? L'explication la plus simple étant évidemment
qu'ils ne daignent pas les écouter.. J'ai bien peur que ce ne soit
pour des raisons plus profondes, plus insidieuses, et pour tout dire,
plus moches.
A
mon avis pas si humble, la réponse se tient quelque part dans l'une
des anecdotes que SW nous a racontées. A savoir, qu'à ses débuts
éditoriaux chez Actes Sud à la fin des années 80, elle "tripotait
allègrement les manuscrits qu'elle éditait [au sens anglais du
terme] pour les rendre publiables". Avec l'expérience, elle
avoue avoir cessé de le faire, pour se consacrer plutôt au soutien
et à l'encouragement de ses auteurs.
Me
voilà rassuré, certes ; mais comment se fait-il qu'à
l'époque, personne ne lui ait expliqué que l'ingérence dans le
contenu d'une œuvre d'art constitue une pure et simple infraction
au Code de la Propriété intellectuelle ainsi
qu'une violation du droit moral de l'auteur
(lequel est censé être respecté par l'éditeur, ce qui constitue
son cinquième devoir) ? Combien de bouquins
a-t-elle ainsi illégalement tripotés ? Veut-elle nous
faire croire que personne chez Actes Sud n'était au courant ?
Et pendant qu'on y est : le savent-ils aujourd'hui ?
Ont-ils daigné changer de "politique éditoriale" depuis
que leur nouvelle patronne leur a fait adopter la "politique de
la calculette" ?
Pour
avoir eu sous les yeux un échange d'e-mails entre un correcteur
d'Actes Sud, une de leurs directrices et un directeur de leur
diffuseur Harmonia Mundi "suggérant de rendre le héros de ce
roman moins antipathique au lectorat féminin", je peux vous
certifier que non seulement, ils n'ont pas évolué mais qu'ils
pratiquent sans retenue la modification de contenu pour conformer
les livres qu'ils publient à l'idée qu'ils se font de la
littérature.
Car
chez ces gens-là, le crime-pensée existe bel et bien ; et il
est puni.
A
moins que SW n'ait cessé d'intervenir par simple manque de temps ?
Après tout, maintenant qu'elle a sa propre maison, elle a des
obligations plus "sérieuses". On voudrait bien le croire ;
malheureusement, une autre de ses réponses m'amène à penser que
les choses ne sont pas aussi innocentes qu'elles en ont l'air.
Suite
à une question d'un membre du public concernant la répartition des
revenus du livre (peut-être s'agissait-il d'un autre auteur
en puissance, échaudé par l'intervention précédente de SW),
l'éditrice répondit ceci : "50 à 55 % reviennent au
diffuseur/distributeur ; 20 % à la fabrication du livre ;
10 à 15 % à l'auteur ; et ce qui reste - s'il en
reste - à l'éditeur."
Ha
ha ha.
Avant
d'analyser ce schéma, regardons quelques exemples pris au hasard sur
Internet.
[dix
minutes d'exploration sur la toile à la recherche de données]
Comme
on pouvait s'y attendre, les chiffres annoncés sont assez différents
et ne donnent finalement que des fourchettes de valeur. Là comme
ailleurs, chacun se forge son opinion, qui dépend des sources que
l'on consulte et ce que l'on veut faire croire.
Résumons
ces données :
-
Imprimeur : de 8 à 16 % (notons que quelques sources ne
mentionnent pas l'imprimeur) ;
-
Diffuseur / Distributeur : de 22 à 45 % (souvent amalgamés,
alors que ce ne sont pas systématiquement les mêmes sociétés) ;
-
Libraire/détaillant : de 33 à 38 %
-
Editeur : de 8 à 21 %
-
Auteur : de 8 à 12 %
-
Etat : 1 % (notons que certaines sources oublient la
TVA !)
Une
synthèse du rapport Gaymar et des chiffres publiés par le Centre
National du Livre donne les moyennes suivantes (pour 2012) :
Points de vente : 36 % ; Distribution : 8 % ;
Diffusion : 12 % ; Fabrication : 15 % ;
Edition : 21 % ; Auteur : 8 %.
Comparons
maintenant ces données avec l'avis professionnel de Mme Wespieser.
Une première chose saute aux yeux :
-
Où est le libraire dans son schéma ? A-t-il déjà
disparu de la "chaîne du livre" dans l'esprit de SW?
Admettons que cet oubli soit à mettre sur le compte de la
distraction ; cela couvre tout de même la bagatelle de 36 %
du total. Pour une distraction, ça se pose un peu là ! Et
puis, c'est sympa, pour les libraires, un éditeur qui ne sait pas
qu'ils existent.
-
Il y a longtemps que la part moyenne de rémunération de l'auteur
est tombée en dessous de la barre des 10 % ; seuls les
auteurs forts (= qui rapportent) ont les moyens de négocier un
pourcentage supérieur. NOTA BENE : pour bien saisir le
sens du mot "négocier" dans le milieu éditorial, sachez
que 58 % (source Agence régionale du Livre en PACA) des éditeurs
refusent catégoriquement de négocier, et s'estiment "blessés
dans leur honneur" quand on met la question sur le tapis. Ce
refus constitue une atteinte à la Déclaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen, le droit de négocier faisant partie des
droits inaliénables de tout citoyen membre d'une démocratie.
-
Dans le cas d'un livre édité à compte d'éditeur (article 132-1 du
CPI), le coût de la fabrication du livre incombe à l'éditeur
et à lui seul. Le chiffre annoncé par SW n'est donc pas à
sa place dans ce "schéma" ; il devrait être inclus
dans les coûts de l'éditeur (or, la question portait sur les
revenus). De plus, aucune source ne mentionne de coûts de
fabrication supérieurs à 16 %, alors que SW nous parle de 20.
Pourquoi ne pas changer d'imprimeur, s'il est si cher ? (NOTA
BENE: en cas de contrat à compte d'auteur, le coût de
fabrication incombe à l'auteur, et l'éditeur s'en fout éperdument.)
-
Comme on le voit, dans aucun cas, une conjonction
diffuseur/distributeur ne parvient aux sommets énoncés par SW ;
à vrai dire, le seul domaine où on atteint parfois 55 % de
part est celui de la BD, et ne concerne qu'un seul consortium. (Comme
la différence entre ce qu'annonce l'éditrice et ce que disent les
sondages est de 35 %, on peut se demander ce qui se cache
derrière ce chiffre fatidique. Quant à savoir pourquoi un
entrepreneur pris à la gorge par un partenaire trop gourmand reste
avec lui au lieu d'en prendre un autre plus raisonnable ou plus
honnête.. Demandez à un psy !)
-
Si on additionne les chiffres avancés par SW, on trouve que
l'éditeur ne perçoit que 10 à 20 % du revenu total du
livre. Hélas, comme elle a oublié de tenir compte des librairies,
on en déduit finalement que sa pauvre maison d'édition touche -
(moins) 15 % du prix de vente de ses livres (épargnons-nous
la TVA). A ce niveau-là, ce n'est plus de l'abnégation ou un
sacrifice, c'est du pur et simple héroïsme. A quand la
reconnaissance d'utilité publique par le ministère de la culture,
celui qui félicite les éditeurs "faiseurs de littérature" ?
J'ai
bien peur que le vrai problème ne réside ailleurs, pas seulement
dans le fait que ce schéma de répartition est très grossièrement
erroné. Car à qui SW veut-elle faire croire que le stress bon
enfant occasionné par une conférence (événement qu'elle organise
régulièrement) lui fait oublier ses quinze ans d'expérience en
tant qu'éditrice "professionnelle" aujourd'hui reconnue et
récompensée par ses pairs (ainsi, il y a moins de chances de se
tromper), et quinze de plus en tant qu'éditrice chez Actes Sud ?
Je
n'y crois pas un instant. Il est beaucoup plus vraisemblable que ce
genre d'événements n'a pour but que de renforcer l'image d'un
éditeur auprès du (= de son) public ; et quand cela peut se
faire au détriment des auteurs (ces éternels insatisfaits ;
tiens, la preuve : à quoi sert le présent texte, hein, sinon à
râler ?) avec la complicité d'un public conformiste habitué
aux jeux du cirque télévisés, public qui préfère donner son
argent à des produits facilement reconnaissables dont il n'a rien à
craindre, plutôt que de le risquer en soutenant, voire en
découvrant, des auteurs spéciaux, réellement hors-normes, donc
difficiles à comprendre.
Voire
dangereux..?
Après
avoir assisté pendant plus de quatre ans, depuis les coulisses, aux
péroraisons d'un individu aussi totalement artificiel que Marion
Mazauric (fondatrice d'Au Diable vauvert), balançant son
gloubiboulga éditorial (elle est aussi socialiste que je suis
adventiste du neuvième jour) à des publics pris en otage par des
animateurs provinciaux ravis de côtoyer des "stars de la plume"
du calibre de Nicolas Rey ("Ouaouh !") ou Virginie
Despentes ("Yarglaa !"), je peux témoigner que tout
ce système de représentation publique a exactement la même valeur
que celui du monde politique : aucune.
Parce qu'on
vous a vendu une belle image, vous croyez avoir acheté du rêve ?
Raté. Vous vous êtes fait avoir, une fois de plus ; le but
était seulement de vous faire cracher au bassinet.
Posez-vous
plutôt les bonnes questions. Et quand vous n'aurez pas trouvé de
réponses, posez-les aux éditeurs que vous croisez ; insistez
jusqu'à ce qu'ils répondent. Mais ça m'étonnerait fort qu'ils en
aient le courage et l'honnêteté.
Rassurez-vous,
vous non plus n'aurez jamais la force de les remettre à leur place ;
ils entendent la conserver jusqu'à que mort s'ensuive, et la céder
ensuite à leurs descendants (biologiques ou assimilés).
_____________________________________
1
Palmarès des trois plus grosses bourdes commises dans cette
traduction : confusion systématique entre l'Australie et
l'Autriche (apprenez donc qu'il y a désormais des glaciers en
Australie) ; confusion entre exploration pétrolière et
exploitation pétrolière ; et la vingtaine de
paragraphes entiers oubliés (supprimés parce que trop
difficiles ?), notamment celui qui contenait un appel en note
de bas de page, laquelle expliquait tout un tas de choses
primordiales pour la suite ; et quand on oublie une note dans
un livre qui en compte des centaines, que se passe-t-il ?
Toutes les notes suivantes sont décalées et cessent de
correspondre à leur repère !
2
Toutefois, si un jour Actes Sud publiait du Michel Tremblay en
mentionnant "traduit du québécois", il faudrait tirer le
signal d'alarme et larguer les chaloupes. Cela ne saurait tarder..
3
Soit dit en passant, un nombre effarant de traducteurs n'arrivent
pas à traduire correctement les mots... français qu'utilisent les
Anglophones ! On touche là à quelque chose qui s'apparente
soit au snobisme soit à la débilité pure. Il me souvient aussi
d'avoir vu une couverture portant l'adjectif "supernaturel"
au lieu de "surnaturel" ; j'ai heureusement oublié
de quoi il s'agissait. Une autre, plus récemment, arborait
fièrement l'expression "Point blanc", craduction
de l'idiome qui signifie "A bout portant". J'ai aussi
croisé un jour deux auteurs français qui entretenaient un mystère
autour du concept de "Superman", pariant sur le fait que
personne ne se rendrait compte que cela signifie littéralement
"Surhomme" ; à leur décharge, je dois dire qu'ils
avaient en partie raison.
4
Soyons franc : l'”apple ply” qui figure dans la VO ne
renvoie à rien de connu. Soit William Gibson a extrapolé une
nouvelle invention, soit il a commis une erreur bizarre. Toujours
est-il que cela ne justifie pas l'invention délirante de notre
craducteur.
5
Un célèbre Jacques (considéré comme l'un des pères de la SFFF),
sollicité en urgence par Marion Mazauric, a eu apparemment le temps
de faire une lecture comparée en une seule nuit. Chapeau !
Surtout quand on sait que les éditeurs n'ont jamais le temps de
rien faire, puisqu'ils sont tout le temps en train de "travailler".
A quoi, au fait ? Je l'ignore ; la seule fois en dix ans
où j'ai vu un éditeur travailler sur un manuscrit, c'était Marion
Mazauric réécrivant Bad Business de Gin (un publicitaire
qui voulait devenir écrivain, comme Begbeider). Lorsqu'elle eut
terminé, après force soupirs et ronchonnements, le manuscrit était
si rouge de corrections qu'il ressemblait à un kebab avant cuisson.
Ce jour-là, j'ai compris que si "un écrivain est un éditeur
qui a mal tourné", un éditeur est quelqu'un qui se croit
meilleur écrivain que les auteurs qu'il publie. Le fait que ce soit
parfois exact ne peut que conforter l'éternel malentendu qui les
lie.
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