G. UN SUPER-CONTRAT NUMÉRIQUE, suivi de quelques considérations générales
Sur le conseil
d'un ami, j'ai un jour envoyé un manuscrit (pardon, un fichier) aux
éditions numeriklivres.
Sincèrement, je n'attendais rien de cette démarche. C'est pourquoi
je fus surpris de recevoir une réponse positive un mois plus tard,
me demandant aussitôt mes numéros de compte bancaire et de sécurité
sociale.
Deux semaines
plus tard, j'ai reçu un fichier pdf intitulé Contrat ; j'étais
invité à le signer et à le retourner à l'éditeur. Vous avez
remarqué ? Je n'étais pas invité à le lire, à l'analyser,
encore moins à le négocier ; non, je devais simplement le
signer et renvoyer un exemplaire, tout naturellement, comme si cela
coulait de source. L'autre exemplaire, je n'avais qu'à le garder ;
c'était le mien. L'affaire était déjà considérée comme réglée.
Par l'éditeur.
Sauf que j'aime
bien exprimer mon opinion, de temps à autre. Un vieux fonds
démocratique, que j'ai.
Plus encore,
comme je n'en suis pas à mon premier contrat, j'ai procédé à une
lecture détaillée dudit document. Et les résultats ne se sont pas
fait attendre. Jugez du peu :
- les pages du contrat envoyé ne sont pas paraphées ; la signature en page finale n'est pas précédée de la mention "lu et approuvé" ; ladite signature est non seulement virtuelle (ce qui est exclu par le texte de loi ; la signature doit être manuelle ou certifiée conforme), mais elle n'est pas même précédée du nom du responsable.
- la mention du nom de l'éditeur "numeriklivres" ne figure qu'une seule fois écrite de cette manière ; en une autre occasion, il est écrit "numerik:livres" ; et en bas de page, il est écrit régulièrement "numerik:)ivres" dans un bandeau qui ressemble à une publicité (quant à savoir ce que cela vient faire dans un document juridique.. mystère et boule de gomme). Cela invalide-t-il franchement le document ? Pas vraiment, m'a-t-on dit, mais cela ne le rend pas très sérieux à mes yeux ; en tout cas, ça ne met pas en "confiance".
- la clause 6.4 dite de Subrogation est une nouveauté pour moi (malgré onze contrats précédents) ; son sens est particulièrement obscur, pour ne pas dire abscons (comme tout le reste du document, à vrai dire, puisqu'il semble avoir été traduit du russe par un logiciel chinois piraté du pachtoun ; mais celle-ci l'est doublement). « L’ÉDITEUR aura la faculté de subroger tout tiers de son choix dans tout ou partie de ses droits et obligations issus du présent contrat sous réserve de l’accord préalable et exprès de l’AUTEUR. Par exception, cet accord est réputé acquis au jour des présentes pour tout prestataire technique et notamment ceux d’intermédiation, de cache, d’accès, de transfert ou d'hébergement. » Si vous avez compris quoi que ce soit, c'est que vous êtes juriste ou logiciel de traduction piraté. Cela vaut son pesant de faux doublons ; cette clause permet à l'éditeur de transférer les droits du contrat à n'importe qui, n'importe quand, dans n'importe quelles conditions. D'un côté, on vous dit que cela se fera avec votre accord préalable, et à la ligne suivante, on vous avertit que vous êtes "réputé/e d'accord". Voilà le genre de choses qui ne saurait entraîner la confiance aveugle de l'auteur. (Ah ! la confiance... ce serpent de mer que tous les éditeurs finissent par balancer à la gueule des auteurs qui veulent... pardon, qui voudraient... pardon, qui rêvent... qu'on les respecte). Je n'avais donc pas d'autre choix que d'exiger son éclaircissement ou sa suppression. Devinez ce que l'on m'a répondu...
- la rémunération de 25 % sur les prix de ventes hors taxe est selon moi inférieure au taux équitable (cf. article 132-5 du CPI) ; en effet, ramené à un gain net, cela ne donne que 19,5 % sur les ventes ; certes, c'est plus que les 8 à 9 % habituels dans le monde de l'édition "normale", mais Numeriklivres ne propose aucun à-valoir. De plus, il n'est nulle part précisé que ces gains constituent des droits d'auteur à proprement parler ; au contraire, il est stipulé qu'ils seront versés directement sur le compte bancaire de l'auteur, ce qui implique qu'ils seront donc considérés fiscalement comme des gains commerciaux, lesquels sont imposables à 50 % ; au final, l'auteur se retrouve donc avec 9,75 % (ce qui n'est guère mieux qu'avec un contrat "normal", puisqu'il n'a pas touché d'à-valoir ; et 9,75 % de pas grand-chose, ça ne fait pas bézèf). A vrai dire, le contrat ne mentionne nulle part que ledit document relève de l'article 132-1 du Code de la Propriété intellectuelle. Il ne s'agit donc pas d'un contrat dit "à compte d'éditeur" à proprement parler ; ce n'est qu'un contrat commercial de partenariat.
- leur refus catégorique de reconsidérer l'immonde projet de couverture et de m'en proposer au moins deux autres parmi lesquels choisir, constitue une atteinte à mon droit moral (en plus d'une goujaterie pure et simple) et ne présage pas le moins du monde d'une future entente cordiale entre les "présentes" (pour parler comme le juriste - peut-être sicilien - qui a rédigé leur contrat).
- le fait qu'ils aient annoncé la publication de mon ouvrage sans attendre mon assentiment (ni m'avertir de ladite publicité) laissait présager d'un sens de la communication pour le moins unilatéral ; le dialogue de sourds pointait à l'horizon.
- le fait qu'ils comptaient publier l'ouvrage dans leur seule collection érotique, alors que c'est un livre hybride, à la fois policier, historique, philosophique et érotique, posait déjà problème, problème que j'avais évoqué. J'imaginais sans peine les prises de tête futures pour arriver à leur faire entendre raison. Par expérience, je sais parfaitement comment se terminent ce genre de prises de tête.
Toutes ces
raisons cumulées me paraissaient suffisantes pour ne pas donner
suite à la proposition contractuelle de cet éditeur numérique ;
je doutais fortement qu'ils eussent l'intention de nous respecter,
mon ouvrage et moi. J'ai donc envoyé ma demande de négociation
(légitime, et base de toute entente, comme le confirmera un juriste
digne de ce nom) sans croire au miracle.
Le résultat ne
s'est pas fait attendre (c'est l'avantage et l'inconvénient
d'Internet ; on peut réagir au lieu de réfléchir,
de se poser des questions, voire de se remettre
en question, toutes choses qu'un éditeur qui se
respecte n'a évidemment pas besoin
de faire), confirmant pleinement mes craintes ; à savoir
que le respect de l'auteur par
l'éditeur, ce n'est pas pour demain la veille. La chose a en
effet été entérinée par la rédactrice de numeriklivres, en des
termes condescendants (mais très polis) qui prouvent qu'elle et son
éditeur sont bien à leur place dans le paysage éditorial français
(numérique ou pas, peu importe ; je rappelle qu'être éditeur
n'est pas un métier véritable, ce n'est qu'un état
intermédiaire de la grande famille des parasites et des capteurs de
pourcentage). Car, pour cet éditeur comme pour ses coreligionnaires
de papier, "négocier" veut dire en réalité :
« Signe là tout de suite, ou va te faire éditer ailleurs,
pauvre con ! » (Toute coïncidence avec un fameux discours
politique du quinquennat 2007-2012 est purement fortuite).
Une fois de plus,
cette anecdote prouve que pour être édité en France aujourd'hui,
il ne suffit pas d'avoir écrit un bouquin jugé "publiable"
(traduire : bankable) ; il faut avant tout obéir
aveuglément au dieu-éditeur, se prosterner à ses pieds, les
lui lécher à l'occasion (avec de la chance, car il y a pire, comme
organes), et surtout, par-dessus tout, fermer sa gueule quand il ou
elle exprime sa volonté suprême (généralement lors d'un monologue
de 42 minutes entrecoupé de coups de fil urgents à des gens plus
importants que vous).
Comme disait
Romain Gary : « Entre mon éditeur et moi, il n'y a pas
souvent démocratie. »
Et comme je le
dis depuis longtemps, il n'existait aucune raison pour que les
éditeurs numériques fussent meilleurs ou plus respectueux ou moins
ineptes que les autres. Là où un auteur pense en termes de
création, un éditeur ne pense qu'en termes d'économie ; non
seulement, il n'y a pas de dialogue, mais l'éditeur fait tout ce qui
est en son pouvoir pour réduire à rien le discours du créateur.
En réalité,
comme le montrent clairement Isabelle Diu et Elisabeth Parinet dans
leur étude Histoire des auteurs, la fonction d'éditeur
procède d'une mentalité,
celle de l'industriel qui n'a rien trouvé de mieux à faire pour
gagner sa vie. Encore est-elle historiquement récente,
puisqu'elle a été forgée dans les années 1830, à l'époque de
l'essor de la société industrielle, c'est-à-dire quand les
machines ont commencé à destituer les êtres humains (voire :
l'époque où certains humains se sont mis à penser comme des
machines). Devenus puissants grâce à leurs appuis politiques et se
revendiquant indispensables, les éditeurs d'aujourd'hui continuent à
vivre et se comporter comme si rien n'avait changé depuis un siècle
et demi, comme si Louis Hachette était leur dieu unique, leur
modèle, leur idéal absolu qu'ils ont pour mission sacrée d'imposer
au reste du monde ; ils continuent d'ignorer les lois et de
mépriser les auteurs, faisant du monde littéraire une cour des
miracles programmés dont ils s'instaurent les thaumaturges et
les pontifes. A cause d'eux, la République des lettres dont rêvaient
La Boétie et Montaigne n'est qu'un vain mot, un mirage toujours
évanescent ; ils ne font que prolonger le Moyen Âge, auquel
ils méritent amplement de retourner.. les fers aux pieds (et si
possible, la langue fendue, qu'on ait enfin la paix).
J'ai longtemps
résisté à la tentation de forger une expression spéciale pour
distinguer les éditeurs coupables des autres ; mais, outre
qu'aucun qualificatif ne permet de traduire tous leurs défauts, le
simple fait de m'y abaisser m'aurait ravalé au même rang que ceux
d'entre eux qui prennent une mine dégoûtée pour parler des "faux
écrivains", impliquant par là que seuls les "leurs"
sont vrais. Il va de soi qu'il n'existe pas de critères objectifs
pour différencier des écrivains. Quant au critère financier (aussi
appelé "réussite sociale"), il n'est valable qu'aux yeux
des gens qui considèrent l'argent comme preuve ultime de valeur
humaine ; or, l'argent est l'idéologie des pauvres d'esprit.
Quoi qu'il en
soit, dès lors qu'un éditeur se met à parler de "vrais"
et de "faux" écrivains qu'il serait capable de distinguer,
vous pouvez dire que vous l'avez repéré : c'est bel et bien un
"faux" éditeur.
Pourquoi pas
"éditeur-tralala" ?
Résumons :
toutes ces mésaventures (qui n'arriveraient pas dans un monde
normal ; attention : je n'ai pas dit "parfait")
prouvent plusieurs choses. Essentiellement, que pour vivre de sa
plume dans ce pays (c'est-à-dire pour qu'écrivain soit considéré
comme un métier par la masse non critique du public), il faut :
- obéir aux lubies de gens qui s'estiment meilleurs que vous (sans jamais le prouver, et pour cause) ;
- faire des compromis incessants et jamais donnant/donnant ;
- complaire à des gens qui ne font jamais l'effort de vous comprendre (voire qui ont d'emblée décidé de ne même pas essayer) ;
- s'abaisser devant des gens dont la seule estime qu'ils ont pour vous est celle qui leur permet de savoir combien vous valez ;
- parler avec des gens qui confondent humilité et humiliation (entre autres choses) ;
- sacrifier sa confiance à des gens (de plus en plus inconnus, puisque se réduisant à des pseudos sur Internet) dont la compétence est aussi invérifiable que l'adresse postale ;
- devenir le jouet de spéculations qui ont lieu à votre insu, jusqu'au jour où soudain (sans que l'on vous en ait informé/e), vous vous retrouvez bombardé/e "valeur sûre".
Ce jour-là,
plusieurs choses changent, qui risquent de vous faire croire au
miracle :
- vous gagnez une certaine indépendance financière (pas encore absolue, cela viendra plus tard, quand vous aurez "mérité") ;
- vous avez le droit de connaître les transactions (mais pas encore d'y participer ; ça, c'est pour quand vous aurez un avocat-ami ou un ami-avocat) qui se font en votre nom ;
- vous êtes enfin respecté/e par votre éditeur... du moins, en votre présence ; car quand vous n'êtes pas là, vous êtes "l'emmerdeur/se, læ casse-couilles, ç'ui qui s'la pète, celui/le qui se répète, Machin/e, le nouveau copain de l'éditrice... Voire : consécration suprême : vous avez droit à un surnom1.
La règle est
pourtant facile à retenir et devrait être écrite en lettres d'or
en tête de tous les contrats et de tous les livres édités :
« Un
éditeur ne respecte que les auteurs qui lui rapportent du fric (en
priorité)
ou du prestige
(à la rigueur, et seulement si
l'auteur fait d'abord rentrer du fric). »
Si vous croyez
que le prestige n'est pas important dans le monde de l'édition,
n'oubliez pas que la littérature française a un chiffre d'affaires
annuel à peine supérieur à 1 milliard d'euros2
alors que le seul vin de Champagne rapporte 4 milliards à la
France (dont vous avez maintenant une meilleure "certaine
idée").
Tant que vous
n'entrez pas dans l'une de ces deux catégories, un livre n'est
qu'une ligne de plus dans le catalogue de son éditeur, un produit
surnuméraire dont les mouvements d'ouvrage serviront à enrichir le
distributeur (que vous n'avez pas choisi) et à donner du travail aux
libraires évanescents du pays3.
Vous vous
demandez peut-être pour quelle raison les éditeurs français
continuent à publier des auteurs non rentables (traduisez :
qu'ils ne font pas l'effort de rentabiliser). La réponse tient en
trois parties :
- d'abord, parce
que c'est bon pour leur image de marque (traduisez : l'image
qu'ils se font d'eux-mêmes dans l'esprit du public qu'ils croient
connaître, le tout filtré par les médias qu'ils contrôlent ou qui
les flattent) ;
- ensuite, parce
que la plupart des écrivains en puissance sont de gros lecteurs (et
qu'une proportion non négligeable de lecteurs sont susceptibles à
tout moment de devenir écrivains ; l'information circule vite
dans ces milieux fermés, il ne faut donc pas prendre de risques) ;
- enfin parce
que, comme disent les athées qui se suicident avec une balle
bénite.. on ne sait jamais4.
En dépit de
leurs beaux discours, les éditeurs sont évidemment des gens comme
tout le monde : ils ignorent complètement quels livres vont
"marcher" ou pas. Publier, pour eux, cela revient à jouer
à la roulette avec l'argent que la loi leur permet d'accumuler sur
le dos des écrivains. Ce qu'ils choisissent délibérément
d'ignorer, c'est que si l'auteur aussi joue à la roulette avec son
livre, la sienne est russe.
« C'est
l'éditeur qui fait la littérature », a déclaré en public et
sans la moindre vergogne une ministre à cervelle d'oiseau-lyre. La
réalité est évidemment plus sinistre : c'est
l'éditeur qui fait le conformisme littéraire.
Et pour rappel :
ce sont les auteurs qui font les éditeurs.
Hélas, ils ne
sont pas payés pour ça.
______________________________________________________
H. LES DIX COMMANDEMENTS de l'éditeur français médiocre
Guide pour
ceux d'entre les lecteurs qui se seraient découvert une telle
vocation grâce à ce livre (merci de ne pas m'en informer ; je
n'ai plus de doigts à me mordre).
- Tu n'éditeras pas un bouquin parce qu'il est bon mais parce que tu le crois rentable. A lui seul, le nom de l'auteur peut rapporter gros, s'il est déjà connu pour une raison quelconque – absolument quelconque.
- Tu ne respecteras que les auteurs qui te rapportent beaucoup d'argent ou, à défaut, ceux qui te lèchent les bottes. (L'auteur idéal étant celui qui fait les deux.)
- Les auteurs qui ont raison ou qui te demandent de tenir tes engagements sont faciles à contrer : il suffit de ne pas leur répondre. Surtout quand tu as tort.
- Un livre joliment imprimé calmera son auteur, qui croira que tu le respectes sans oser le lui avouer ; tu pourras ensuite faire tout ce que tu veux (sauf vendre son bouquin).
- Tu ne négocieras pas les contrats que tu proposes dans ta largesse ; si un auteur se croit autorisé à discuter des termes d'un contrat, tu feras étalage de ta vertu outragée ; alors, effrayé à l'idée d'aller (se faire) voir ailleurs, l'auteur baissera la tête, sa culotte et signera les yeux fermés. (Ou alors, il se drapera dans son intégrité et restera impublié, ridicule et isolé jusqu'à la fin de ses jours.)
- La chaîne du livre est entièrement constituée de maillons faibles ; n'importe lequel peut casser à tout moment. Surtout si tu lui en donnes l'ordre, même tacitement, même implicitement, même inconsciemment.
- Un bouquin n'a pas de valeur en soi ; c'est l'investissement financier et commercial qui détermine son succès à 99 %. En d'autres termes, n'importe quelle daube peut se vendre à des millions d'exemplaires ; il suffit de fabriquer son public en clamant haut et fort que tu "connais ses goûts par cœur", que "cent mille lecteurs ont déjà été conquis" et que "c'est le nouveau Paul-Henri Begouelspentec". (Jusqu'au jour où tu peux te payer le gros lot : un film de cinéma ! Pardon, j'oubliais que le cinéma n'existe plus : alors disons, un téléfilm sur écran géant.)
- La loi est assez floue pour être ignorée ou transgressée ; les coutumes sont plus importantes (surtout celles dont personne ne parle et que tu peux donc créer de toutes pièces au fil de tes lubies). Tu n'as pas besoin de connaître la loi ; les avocats sont là pour ça. De toute façon, quoi que tu fasses d'illégal, tu ne crains pas grand-chose. La littérature en France ne rapporte même pas 2 milliards d'€uros, c'est-à-dire deux fois moins que le commerce du vin de Champagne, 30 fois moins que l'industrie pharmaceutique, 40 fois moins que l'armement, 50 fois moins que le pétrole, 100 fois moins que l'énergie nucléaire... Mieux encore, la loi a bien pris soin de ne jamais définir ta profession ; autant dire que tu n'as pas d'existence officielle et qu'il ne saurait y avoir personne au-dessus de toi. Réjouis-toi : tu es intouchable. Comme Al Capone.
- Tu lécheras la main de tous les journalistes et politiciens que tu croiseras au cours de ton existence mondaine ; certains d'entre eux ne t'aimeront pas, mais c'est parce qu'ils obéissent à leur rédacteur en chef qui a des actionnaires à "respecter". Le jour où ce journaliste ou ce politicien changera de patron, il sera obligé de t'aimer et se mettra à te "respecter" sans que cela te coûte un sou ; il aura alors de très bons souvenirs de "votre longue amitié" (surtout si c'est toi qui as racheté son journal).
- Un bon écrivain est un écrivain mort, si possible intestat, ou si son testament peut facilement être invalidé, ou à défaut, s'il laisse une malle pleine de documents ; alors, tu laisseras passer une période de deuil de deux à cinq ans avant de tout publier lentement – pour susciter les passions, c'est-à-dire faire monter les prix – avec un appareil critique conséquent qui te permettra d'entretenir tes amis universitaires et journalistes, soudain très nombreux.
- (dit le Commandement secret :) que tu sois de gauche, de droite, du centre mou ou de la périphérie dure, de l'extrême-ceci ou de l'indifférent-cela, ces Commandements sont immuables et universels ; eux seuls te mèneront à la gloire, eux seuls permettront à la Renommée d'associer ton nom à ceux d'illustres penseurs, conteurs et poètes, eux seuls te hisseront de là où tu es parti/e (les études arrêtées à quinze ans pour aider Tonton à vendre des bagnoles d'occase ou pour aider Tatie à vendre des ongles synthétiques) vers le trône que tu atteindras un beau jour pour le léguer à tes enfants, qui en feront un empire financier, c'est-à-dire exactement ce que "tes" auteurs ont critiqué toute leur vie avant de crever dans la misère et l'indifférence (ou – mais plus rarement – dans l'opulence et la gloire.) Alors, quand tu mourras, tout nimbé d'une sainteté décernée par tes Pairs, les Muses anonymes de la Dérision, du Grotesque et de l'Ineptie s'assiéront sur ton cercueil, invisibles, et choisiront en silence parmi tes proches (qui te pleureront en direct-live) celui ou celle qui te succédera au Panthéon des Raclures, des Foutriquets et des Connes emperlousées. Et tout sera consommé, puisque tout se consomme, même la littérature. Sic transit Harmonia mundi. Amen.___________________________________________________
I. PETITE ANNONCE GLACÉE ou Portrait de l'éditeur "farpait"
Écrivain
prolifique (et traducteur de romans anglophones) cherche éditeur
présentant bien et doté des caractéristiques et compétences
suivantes :
- respectueux des lois, de ses auteurs et de leurs publics
- sachant que son rôle consiste à se mettre au service des idées de ses auteurs et non l'inverse
- prêt à mettre en œuvre tous ses moyens de production pour que chacun des livres qu'il publie trouve son public, sans pour autant fabriquer celui-ci de toutes pièces à coup de marketing agressif et putassier
- conscient que l'édition est une aventure littéraire et/ou artistique (éventuellement intellectuelle), et non une entreprise commerciale avant tout
- capable d'écouter ses auteurs quand ils lui parlent, après avoir éteint tous ses téléphones et sans regarder son écran d'ordinateur toutes les sept secondes
- ayant entendu parler de la notion juridique de droit moral de l'auteur et le respectant aussi bien à la lettre qu'en esprit, comme la loi le prescrit
- connaissant les lois mais pas seulement dans le but de les détourner, les contourner, les gauchir, les négliger ou les oublier quand ça l'arrange, ni pour les appliquer uniquement à autrui
- conscient de ses devoirs professionnels tels qu'ils sont définis par le Code de la Propriété intellectuelle (article 132-1) et désireux de les appliquer sans rechigner ni faire l'adolescent contrarié
- capable de tenir ses promesses, ou à la rigueur de n'en jamais faire à la légère
- conscient de ses lacunes personnelles et, s'il n'est pas assez curieux pour chercher à les combler, capable de ne pas mépriser autrui sous prétexte qu'ils en ont moins (des lacunes)
- conscient que l'un de ses rôles consiste à chercher activement des manuscrits talentueux plutôt qu'à faire mousser des auteurs à sensations à partir de leur célébrité ou d'un détail biographique stupide
- ayant compris qu'Internet n'est pas la solution à tout et que les livres de papier ne sont pas près de disparaître, parce qu'on ne peut pas offrir un fichier informatique en guise de cadeau d'anniversaire (entre autres raisons)
- ayant toujours un chéquier valide et un stylo chargé à portée de la main
- payant ses dus à l'heure dite (variante fabuleuse : majorant ses dettes lorsqu'il paye en retard)
- capable de reconnaître ses torts (variante fabuleuse : incapable de mauvaise foi)
- capable de s'excuser quand il a fait une connerie (variante fabuleuse : capable de demander pardon)
- ne pratiquant pas le droit de cuissage
- capable d'aménager son temps pour lire les livres qu'il publie
- capable de faire la différence entre ses préjugés et le soi-disant goût du public
- capable de tenir tête aux ogres de la diffusion et aux requins de la distribution en gros qui le tiennent par les couilles (ou tout autre organe préhensile) en profitant de sa faiblesse financière ou caractérielle
- ayant adopté définitivement et sans barguigner le principe suivant : « Quand tu prends les gens pour des cons, ils ne vont pas se fatiguer à faire les malins », principe dont le corollaire est « Plus tu prends les gens pour des cons, plus ils le deviennent... et toi le premier. »
___________________________________________________________
J. IMMODESTE PROPOSITION VISANT À RÉVOLuTionnER LES MŒURS LITTÉRAIRES ET LE TEMPS PRÉSENTS
« Une
nation qui ne nourrit pas ses meilleurs écrivains n'est qu'un
ramassis de barbares merdeux. » Par ces mots, Ezra Pound
rendait hommage à René Crevel, le romancier surréaliste suicidé à
35 ans dans la misère, le mépris de ses pairs et l'indifférence du
public. A l'époque (1935), certains firent reproche au poète de ce
jugement un peu dur ; en quoi la situation des écrivains en
France aujourd'hui s'est-elle améliorée ? Le public se
laissera-t-il berner longtemps encore par la quinzaine d'écrivains
riches et bien liftés qu'on lui agite régulièrement sous le nez et
qui masquent les cinquante mille écrivains qui crèvent de faim et
de non-assistance à espèce en danger ?
Nous, auteurs de
romans, de nouvelles, de théâtre, de poésie, d'essais et de toutes
ces sortes d'ouvrages qui n'obéissent pas aux étiquettes imposées
par les "grands" (entendez : gros) distributeurs, quel
recours avons-nous pour nous défendre contre les ogres morveux qui
nous exploitent, font rejaillir sur eux la gloire de nos talents (ou
fabriquent de toutes pièces le talent de ceux qui en sont
dépourvus), nous rejettent au gré de leurs lubies et nous taillent
des réputations artificielles à coups de médias asservis et de
lois scélérates qu'ils font voter par leurs gendres ou leurs tatas
lobbyistes ?
Nous, écrivains,
ne pouvons pas faire la grève de l'écriture car, d'une part, les
éditeurs auraient toujours loisir de puiser au stock infini des
"livres indisponibles" (qu'ils ont contribué à créer par
leur ineptie 100% professionnelle), et d'autre part, parce que, si
nous le faisions, nous crèverions d'inanition puisque écrire est
notre respiration même. Pire encore, les candidats à la publication
sont aujourd'hui plus nombreux que jamais, encouragés qu'ils sont
par la piteuse inanité de certains ouvrages publiés en dépit des
exigences de qualité revendiquées haut et fort par certains
éditeurs, exigences qu'ils sont seuls à connaître et qu'ils
refusent de divulguer, par peur d'avouer qu'ils n'y connaissent rien
et qu'ils n'agissent que par caprice.
La situation de
précarité absolue fomentée par le cartel des gros éditeurs afin
de maintenir dans l'impuissance les écrivains par vocation de
ce pays a atteint récemment une extrémité digne des âges barbares
(je ne parle pas de l'Empire romain, époque bénie où un auteur
offrait à un libraire son dernier ouvrage pour le faire
copier et vendre à ses amis, tout cela pour le seul prestige ;
mais que vaut le prestige aujourd'hui, dans une société où
l'écrivain-journaliste le plus connu est une marionnette qui survit
péniblement à la mort médiatique de son modèle ? Dans un
pays dont le président "démocratiquement" élu a été
pendant cinq ans un histrion hystérique à la morale si crasseuse
que, par comparaison, Napoléon III a l'air d'un gentil mécène
humaniste).
Si nous ne
voulons pas disparaître purement et simplement pour être remplacés
par des logiciels (et il y a forcément quelqu'un, quelque part, qui
travaille là-dessus en ce moment même, par exemple un "chercheur"
sponsorisé par une marque de dictionnaires bénie par quelque
lointain émir et destinée à "redresser le cours de
l'histoire"), si nous voulons que la France ne devienne pas un
"ramassis de barbares merdeux" voué à être écrasé par
un voisin vertueux qui se sera offusqué de notre promiscuité, alors
nous devons prendre des mesures draconiennes.
La littérature,
les écrivains et les lecteurs de ce pays ne seront respectés que
lorsque les conditions suivantes auront été réunies :
- quand chacun des principaux partenaires de la "chaîne du livre" touchera 25 % des revenus générés par les ouvrages : auteur, éditeur, diffuseur / distributeur, libraire ; c'est cela qui est normal, c'est cela qui doit être ;
- quand lesdites fonctions ne seront ni cumulables ni fusionnables, ni directement ni indirectement ;
- quand la loi (le Code de la Propriété intellectuelle) définira clairement et sans équivoque possible les droits et devoirs de tous les membres de ladite chaîne, sans en oublier un seul ;
- quand les gens qui s'intitulent éditeurs seront obligés de publier leur "politique éditoriale" ainsi qu'une charte décrivant leurs coutumes personnelles et de s'y tenir sous peine d'amende ;
- quand tous les contrats seront établis sur le même modèle (modulable à l'intérieur d'une fourchette étroite et légalement déterminée), et qu'il sera automatiquement prévu de pénaliser les droits dus à l'auteur, à raison de 1% par jour de retard (sans limite maximum) ;
- quand les éditeurs auront l'obligation de faire constater par huissier (à leurs frais) que le Bon-à-tirer a été effectivement visé par l'auteur avant la délivrance à l'imprimeur ;
- quand les clauses scélérates et injustes seront prohibées, notamment celle de provisionnement (qui est une amende humiliante infligée à l'auteur sous prétexte que le distributeur et l'éditeur n'ont pas fait leur travail) et celle de préférence, qui est anticonstitutionnelle (et de toute façon inapplicable) ;
- quand le gouvernement (le ministère de la Culture) mandatera une commission chargée de surveiller l'application des devoirs de ces partenaires, notamment : que les droits de représentation, de reproduction et d'exploitation cédés par l'auteur à l'éditeur, sont bien appliqués et respectés par l'éditeur aussi bien que par le distributeur ;
- quand les auteurs seront autorisés et invités, une fois par an, à visiter les entrepôts où sont stockés leurs ouvrages afin de vérifier que ceux-ci sont bien traités ; cette visite annuelle sera commentée par un responsable du service comptabilité de l'éditeur, qui remettra alors à l'auteur sa reddition de compte, dont il fera un commentaire éclairant (et fournira à la demande les documents afférents) ;
- quand la loi interdira clairement à quiconque (diffuseur, distributeur et tout spécialement l'éditeur) de se mêler du contenu des livres, comme le prévoit la définition du droit moral, lequel (puisqu'il faut le rappeler) est incessible et inaliénable, ce qui signifie que personne d'autre que l'auteur n'a le droit d'y toucher ou de s'en mêler, bordel de merde ;
- quand le cartel des principaux éditeurs sera enfin soumis aux lois prohibant la collusion commerciale et que ses membres en subiront les conséquences pleines et entières ;
- quand la vente de livres en grandes surfaces sera réduite au strict minimum et favorisées dans les seules librairies (ou quand sera fixé un plafond de parts de marché détenues par un même groupe) ;
- quand la loi fixera un quota national aux traductions publiées dans le pays (ou bien – si l'on juge que cette notion est trop facile à trahir ou trop difficile à faire respecter – quand sera établie une aide à la création nationale, comme cela se fait déjà dans le domaine du cinéma, par exemple) ;
- quand les écrivains seront automatiquement et gratuitement défendus, et indemnisés par la Justice sans avoir à risquer leur chemise et la réputation de leurs derniers amis pour obtenir un très hypothétique gain de cause ;
- quand les manuscrits envoyés spontanément seront traités avec autant d'égards que les manuscrits recommandés par de "chers collègues" pour faire retour d'ascenseur (ou pour se débarrasser d'un manuscrit "vérolé") ;
- quand les fils à papa et les filles à maman seront traités sur le pied d'égalité que préconise la Constitution mais que rien ne permet de faire appliquer ;
- quand la loi sur la numérisation des livres "indisponibles" aura été abrogée avec excuses publiques, et que le lobby qui l'a faite adopter sans coup férir dans l'indifférence bienveillante des médias aura été démantelé, que ses représentants auront été sommés de faire amende honorable et de rendre les commissions occultes qu'ils ont touchées (et que lesdites sommes auront été versées, non aux éditeurs scélérats et traîtres qui les ont versées, mais aux auteurs qui en ont été spoliés) ;
- quand les éditeurs cesseront de croire qu'ils sont des chevaliers en armure défenseurs du droit et de la morale, ou même seulement créateurs de la mode, et qu'ils redescendront à la place qui leur sied, à savoir celle d'humbles artisans ;
- quand les médias publics seront tenus par la loi de donner leur chance à tous les livres, sans favoritisme ni parti pris (laissant la subjectivité baveuse et puérile aux médias privés, dont l'opinion n'importe qu'à ceux qui les suivent/subissent déjà) ;
- quand les écrivains auront droit à un statut juridique clairement défini leur assurant un revenu minimum qui leur permette de survivre décemment dans la quiétude nécessaire à leur travail5 ;
- quand les sempiternels détenteurs de pouvoir et de vérité seront privés de contrôle sur Internet, et quand Internet sera laissé en friches, décrété terrain d'expérimentation pour ceux qui aiment ça ;
- quand sera enfin fondée une coopérative éditoriale gérée par un conseil d'auteurs et financée au départ par des aides à la création, coopérative dont l'objet principal sera de créer des objets littéraires non conformes échappant aux règles fixées par les casuistes qui tiennent salons ;
- quand le budget des armées sera diminué de moitié au profit de l'éducation et de la culture ; quand les banquiers, les assureurs, les pharmaciens et les nains de jardin seront en prison ; quand les profiteurs de l'informatique exponentielle seront fractalisés ; quand les inventeurs de l'obsolescence programmée et de la graine Terminator seront changés en épouvantails à charognes ; quand les places boursières seront démonétarisées et les courtiers reconvertis en "répartiteurs de denrées gratuites, produites en auto-gestion globale et garanties sans OGM" ; quand les politiciens ne pourront plus s'abriter derrière leur impunité archaïque, cette insulte permanente à la démocratie (et qu'ils cesseront d'être payés dès qu'ils auront fini d'exercer leurs fonctions rarement utiles) ; quand les journalistes auront le courage de leurs idées et celui de tenir tête à leur rédacteur-en-chef, qui aura à son tour celui de désobéir à ses actionnaires ; quand les actionnaires de tout poil seront pulvérisés et reversés dans la stratosphère dès lors que leur fortune aura dépassé un certain plafond à peine plus haut que leur tête enflée ; quand la Suisse et les paradis fiscaux seront déclarés hors-la-loi-universelle par l'Empereur de la Lune Coluche II ; quand le ridicule tuera, quand le mensonge fera vomir qui le profère, quand la honte frappera concrètement ceux qui l'infligent moralement aux innocents, quand la peur ne sera plus qu'un vague et inoffensif souvenir de petite enfance...
Bref, quand tous
les autres domaines de la vie, encouragés par ces exemples, auront
fait de même, c'est-à-dire : quand les poules auront des
dents, des lunettes et des pantoufles, qu'elles sauront lire et
cuisiner le maïs selon trente-six recettes différentes...
Alors, alors
seulement, quand toutes ces conditions seront réunies, la qualité
générale (et non la quantité, qui n'intéressent que les usuriers
et les marchands de bouse) de la littérature francophone s'élèvera
insensiblement mais sûrement ; alors le public deviendra plus
intelligent pour la bonne et simple raison qu'on aura cessé de le
prendre pour un ramassis de cons ; alors la culture cessera
d'être un mot creux et laid brandi par des ânes en uniforme et des
gobeurs de subvention6,
et elle pourra de nouveau remplir son rôle pacificateur et éclairant
au lieu de n'être qu'un moyen de distraire le peuple pendant qu'on
lui fait les poches, d'occuper militairement ses cellules grises
pendant que les ploutocrates, les technocrates et les
néo-aristocrates du showbiz lui marchent sur la tête.
Il est temps de
dire haut et fort que les éditeurs et les distributeurs sont les
derniers remparts du conformisme, les poseurs de censure officieuse
qui font avorter chaque jour des myriades d'idées neuves, de formes
nouvelles, de plaisirs novateurs, quand ils ne les détournent pas au
profit de leurs auteurs-maisons (après passage chez le nègre) ;
il est temps de dire que la plupart d'entre eux ne sont que des
poules mouillées grotesques et conventionnelles qui obéissent aux
règles non-écrites de la mode que personne ne décide ; et
surtout, qu'en réalité, nous n'avons pas besoin d'eux pour
écrire.
Les éditeurs
crèveront (difficilement et hélas, longuement) étouffés par leur
conviction récente et pour le moins curieuse qu'ils n'ont plus
besoin d'écrivains pour publier des livres. C'est ce que signifient
véritablement la loi sur la numérisation des livres indisponibles,
et l'accord Google, et l'accord Acta (ou Ceta ou FiDaPuta) qui
passera bel et bien parce que le contraire n'est pas prévu.
Cette conviction insane et puérile prouve que le dialogue
éditeur/auteur est désormais rompu, caduque, foulé au pied, que
son trucage a fait long feu. Du dialogue de sourds qu'il était
devenu depuis les années 1960, il ne reste que la péroraison
effroyable et rétrograde, gâteuse et démentielle, méprisante et
méprisable, des marchands de godasses et de chars d'assaut qui se
sont emparés par la force financière de tout ce qui fait notre
culture, nos pensées, nos voix, nos idées, nos vies mêmes. Les
laisser faire, les excuser, les négliger, c'est leur abandonner le
terrain, leur accorder l'importance qu'ils se sont arrogée, et
risquer pour nous-mêmes l'oubli immédiat et la mort cérébrale.
Qui niera qu'aux yeux de l'éditeur moyen contemporain, le seul bon
auteur est un auteur mort pas trop vieux, pourvu qu'il laisse
derrière lui un ordinateur plein de "chefs-d'œuvre" et un
testament facile à invalider ?
Puisque tout le
monde semble persuadé que la trop longue chaîne du livre doit être
brisée, alors faisons en sorte que ce soit ses maillons inutiles
qui disparaissent ! Mais reste-t-il assez de temps pour trier le
bon grain de l'ivraie ? Il est à craindre que tout le panier
saute, et les "bons" éditeurs (ceux, trop rares, qui
aiment leur travail en respectant leurs auteurs) disparaîtront avec
les "pourris". La vérité est que désormais, avec
Internet et la possibilité de vendre directement, seuls deux
éléments de cette chaîne sont indispensables : auteurs et
lecteurs. Les autres ne sont que des parasites qui ont, au fil du
temps, gonflé leur part de marché, transformant l'art en propagande
et les artistes en chiens dont ils se croient les maîtres. Or, quand
un écrivain lèche le cul d'un éditeur, faut-il s'étonner que sa
langue sente la merde ?
Commençons
nous-mêmes par avoir l'haleine plus fraîche en changeant de
régime ; le reste suivra..
..ímaqa7
______________________________________________________________________________________
1
Devinez qui nous appelions "Nicholéra", quand je
"bossais" Au Diable vauvert - à gagner : un de ses
livres !
2
L'édition générale a un CA de 2,7 milliards, qui comprend les
manuels scolaires, les dictionnaires, les livres pratiques, les
guides de voyage, les BD... La littérature ne représente que 40 %
environ de tout cela.
3
A Montpellier, pour la Comédie du livre, ce ne sont plus les
libraires qui choisissent les auteurs invités ; déjà en
2013, la direction de l'une des plus grandes librairies
indépendantes de France, Sauramps, a choisi d'externaliser la
"prestation" en s'adressant à une société de
communication, c'est-à-dire un marchand de pubs. Pour l'an
prochain, il serait plus séant (et moins hypocrite) de rebaptiser
la manifestation Tragicomédie du livre.
4
On nage là dans les eaux troubles de la religiosité. A vrai dire,
je n'ai jamais rencontré d'éditeur rationnel, encore moins
rationaliste. Par contre, tous vous affirmeront qu'ils sont
réalistes ; c'est leur alibi pour être cyniques à temps
partiel ; depuis Jean-Edern Hallier, ils croient même que ça
fait "cool". C'est dingue la quantité de choses que les
éditeurs-tralala se contentent de croire au lieu d'essayer
de les savoir ; mais il est vrai que savoir demande un
effort intellectuel et que beaucoup de gens croient que le cerveau
est un muscle.
5
Il va de soi que ce statut sera révocable volontairement ; les
exemples ne manquent pas d'auteurs qui sont inspirés par la
précarité ; mais celle-ci doit être un choix.
6
Cf. Le Mensonge de Pippo del Bono.
7
Mot inuktiduk signifiant à
la fois peut-être et parce que (et aussi titre d'un
roman savoureux de Flemming Jensen).
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