Publicité authentique, D.R. |
Je
roulai. Sur une route. Dans une voiture poussive. Une Renault.
Ça
sentait bon les vacances. D'ailleurs, la route était celle du
Soleil, quelque part entre la Grande-Motte et Palavas-les-Flots ;
bref, entre une chaleur à fondre le beurre et le zonzon des
moustiques. Il y avait autant de nuages dans le ciel que sous mon
crâne. La foule des touristes était puissamment absente. Tout
allait bien ; c'était Byzance.
Dans
une ligne droite limitée à 110 km/h et où je plafonnais à
90, je fus soudain dépassé en trombe par une Twingo couleur
moutarde et cornichons écrasés. J'aurais très bien pu ne pas me
soucier de ce qui se passait à l'intérieur de cette voiture ;
en fait, j'aurais dû continuer à compter les flamants roses, au
risque de m'endormir sous le coup d'une sieste fatale. Mais, comme
tous les conducteurs bafoués qui s'ennuient, je voulus voir au moins
le profil de l'outrecuidant personnage qui venait de me gifler
l'oreille, afin de bien le maudire pendant une poignée de secondes.
Voici
ce que j'ai vu : le conducteur de la Twingo tenait son volant de
la main gauche, très fermement ; sa tête et son buste étaient
tournés vers la droite, où se tenait une passagère. Celle-ci
tenait ses bras au-dessus de sa tête et en battait l'air, tentant de
parer les coups de poing furibards que lui assenait son voisin. Il
hurlait visiblement en bondissant sur son siège pour donner plus de
force à ses horions. A chacun d'eux, la voiture faisait une
embardée, allant mordre la ligne centrale ou le bas-côté gauche,
s'approchant dangereusement de la glissière de sécurité. Ils
étaient au bas mot à 150 km/h. Lorsque je les perdis de vue, de
longues secondes plus tard, l'homme frappait toujours et la Twingo
déblayait la route devant elle.
Au
bout d'un moment, je m'aperçus que je ne roulais plus qu'à 60 ;
mes jambes faisaient dans le coton industriel. Je me repris peu à
peu, en mâchouillant une colère glacée, de celles qui font crisser
des dents.
Ce
jour-là, je regrettai de ne pas avoir une grosse cylindrée. Je me
souviens d'avoir noté le numéro d'immatriculation de la bagnole ;
mais je l'ai perdu depuis. Avec le recul, je pense que j'aurais dû
passer une annonce dans le canard local, simplement pour décrire ce
que j'avais vu.
Je
ne l'ai pas fait.
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