Costa-Gavras est une légende vivante du cinéma, l'une des dernières. Il a commencé comme assistant-réalisateur de HG Clouzot sur L'enfer, le film "au budget illimité", inachevé en 1963. C'est dire s'il a connu des gens mythiques et des secrets innombrables. C'est dire si certains attendent avec impatience ses mémoires... ou avec crainte.
Je ne reviendrai pas sur sa filmographie pleine de chefs-d'oeuvre, notamment de films destinés à ouvrir l'esprit et la conscience politique de ceux qui aiment se laisser bercer d'illusions. Avec l'âge, bien sûr, le rebelle s'est calmé ; par exemple, pour obtenir l'autorisation de filmer Amen au Vatican même, il a bien fallu atermoyer et minimiser la complicité de l'Eglise catholique et romaine dans l'Holocauste. C'était fatal.
Le Couperet était intéressant, voire incisif, mais n'accusait personne, sinon la conjoncture. Et puis, à la base, c'était un polar, pas un livre politique. Heureusement, José Garcia y était au mieux de sa forme.
Je ne sais si on peut en dire autant de Gad Elmaleh dans Le Capital. J'ai plutôt l'impression qu'il a été choisi précisément parce qu'il n'a pas l'air d'un méchant trader imbu de sa puissance financière, et que l'on reste donc surpris jusqu'au bout par ses décisions ; à peu près autant que lui-même, peut-être (et je ne sais si je parle de l'acteur ou du personnage). Il y a donc des scènes très fortes dans Le Capital de Costa-Gavras ; et d'autres d'une faiblesse affligeante (notamment la scène d'ouverture, très confuse). Le seul membre de la distribution qui s'en sorte vraiment avec les honneurs est Céline Salette, enfin remarquée l'an dernier dans L'Apollonide ; elle est parfaite dans le rôle d'une jeune consultante financière qui se croit capable de pervertir le système de l'intérieur, et de réussir à conserver sa dignité, son intégrité même, au milieu de toute cette pourriture. Jusqu'au prochain challenge, qui lui fera peut-être plier l'échine. Mais on a envie de croire en elle, de croire que les gens comme elle existent vraiment (même si on n'en croise jamais dans la réalité). Ce qui est, d'une certaine manière, tout le secret du travail d'acteur.
C'est la fin du film qui est pour le moins gênante ; ainsi donc, comme nous en avertit le "héros" en s'adressant à la caméra (donc à ce qui nous tient lieu de conscience) : les banquiers sont de "grands enfants, qui vont continuer à s'amuser à nos dépens jusqu'à ce que tout pète". Noir. Fin.
Ce qui me chagrine, c'est qu'en disant cela et rien que cela, Le Capital non seulement ne nous apprend rien mais esquive la vérité en prenant des airs de matador. A savoir, que les banquiers et les politiciens qui les laissent faire ne sont pas du tout de grands enfants ; ce sont des ordures totales, des salopards sans foi ni loi, les pires fumiers que la société humaine aient jamais engendrés, des criminels contre l'humanité et contre l'humanisme à côté desquels les intégristes religieux de tous les temps n'étaient que des amateurs sans cervelle ; une engeance si répugnante qu'aucun châtiment ne saurait être assez dur pour le leur appliquer. Ce sont eux qui subiront la loi du couperet lors de la prochaine révolution qui ne changera rien mais qui au moins, aura le mérite de renouveler le cheptel. Ce qui ne servira à rien, mais soulagera quelques consciences... s'il en reste.
Peut-être que c'est cela que voulait dire la première mouture du scénario Le Capital, celle qui a dû être imaginée dans la tête de son auteur à l'époque où Sidney Lumet et Paddy Chayefsky faisaient Network (1976). Mais comme les producteurs devaient se montrer gentils avec les financiers qui fournissent les moyens de tourner, il est possible que le message ait été... comment dire ? édulcoré. Peut-être, oui. En tout cas, il est toujours dommage de constater qu'un vieux loup légendaire s'est fait limer les crocs.
Au fait, qui sont les réalisateurs rebelles d'aujourd'hui ?
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