6
Dans
l'immédiat, il n'avait rien d'autre à faire que de prendre la
température de la ville. Celle de l'air était déjà idéale, il ne
manquait qu'une bière pour que le tableau soit parfait. Les bars de
la place de la Parodie ne l'inspiraient pas ; trop exposés,
trop parisiens, certainement trop chers pour ce qu'ils avaient à
proposer, qui ne devait d'ailleurs pas être original. Il lui fallait
de l'authentique, voire du départemental.
Au lieu de remonter vers la place, Semántico prit la deuxième rue sur la gauche, marcha deux minutes et se retrouva au cul de l'Opéra ; son hôtel se trouvait à deux pas. Il hésita à y faire un crochet pour y déposer la doc, mais ça lui ferait de quoi s'occuper en buvant sa mousse.
Il prit une ruelle qui le mena droit sur la Chambre de Commerce et d'Industrie. Un quintet de jazz New Orleans jouait à côté d'une fontaine, pour le plaisir d'un petit public. Un peu plus loin, il déboucha sur une place animée ; il y avait surtout des restaurants mais il aperçut, dans un angle, un pub irlandais. Au moment où il allait s'y engouffrer, des relents de hooligans en train de beugler dégorgèrent de la double porte et le repoussèrent. Pour être honnête, même si les bières étaient bonnes, il ne voyait pas pourquoi il devrait payer plus cher que dans un bar normal, en étant obligé d'aller se la chercher lui-même au comptoir.
Continuant la rue qui montait insensiblement, il arriva à un parvis d'église, laissa prudemment Dieu et fils, associés, dans son dos pour contempler un instant une énorme fresque affublées de... encore plus de terrasses de restaus et de salons de thé. Mais toujours pas de bistrot en vue. Il obliqua soudain à droite, tomba encore sur une place ombragée, avec les tables de circonstance : un restau végétarien, une librairie ésotérique et un salon de thé. Allait-il craquer ?
S'engouffrant sous une voûte, il parcourut des ruelles au dallage lisse et méchamment casse-gueule pendant un bon moment, continuant à monter sans croiser de bar. Déveine ou complot ? À l'instant même où il débouchait sur une large place ombragée et truffée de terrasses de cafés, un chien lui déboula dans les jambes, manquant le renverser ; deux secondes après, un type chauve qui tenait une laisse à la main gueula « Didier ! Au pied ! Mais qu'il est con, ce chien ! » En passant devant Semántico, il ralentit vaguement, pour reprendre son souffle.
— Excusez-le, monsieur. Il est con, ce chien. C'est un chien con, c'est comme ça, on n'y peut rien.
Semántico lui adressa un sourire torve, et le type repartit à la poursuite de son labrador, avec l'expression de quelqu'un qui cherche une excuse pour ne pas aller à son propre enterrement.
La faune du soir était sur la place, bavardant et buvant. En cherchant une table où amerrir, Semántico s'aperçut que, depuis une demi-heure qu'il marchait, il n'avait pas consacré le moindre neurone à l'affaire. Il manquait d'éléments, et l'air de vacances ambiant nuisait gravement à sa santé mentale. Boire un coup devenait urgent. Au moment où il allait s'asseoir au pif, une paire d'accordéonistes attaqua Le Beau Danube bleu. Il se jeta dans la première rue sur sa gauche.
Sa bière l'attendait un peu plus loin, sur une toute petite place, à l'ombre de deux micocouliers, dans un bar qui s'appelait L'Heureux Buffy. N'ayant pas la patience d'attendre un serveur, il fonça droit au comptoir, pour en ressortir deux minutes plus tard armé d'une pinte de Faro - à la pression, s'il vous plaît ! - à laquelle il avait déjà fait un sort avant même de trouver une place où s'asseoir.
Le problème, c'est que la terrasse était comble. Seules deux ou trois tables étaient moins encombrées que les autres, avec leur client unique. Aborder la fille seule avait neuf chances sur dix d'être mal interprété ; il lui restait donc les deux mecs. L'un d'eux trépignait en fumant, sirotant son verre (vu la couleur, ce devait être un demi-pêche), tripotant son portable, jetant des regards un peu partout ; il montrait clairement qu'il attendait quelqu'un, et sa coiffure, ses fringues et sa perception du monde sortaient tout droit de la Star Académiasme. Le dernier solo avait des paperasses et des bouquins étalés devant lui ; il scribouillait, l'air d'être là depuis la veille de la saint-Glinglin, heureux comme un pape dans ce bureau idéal. C'était peut-être lui, le fameux Buffy.
Semántico se plaça derrière une chaise, face au type, et attendit que celui-ci le remarque en buvant sa Faro (d'une fraîcheur parfaite, servie dans sa chope ; grâce au fait qu'elle était au sucre de canne, c'était toujours une surprise, parce que le goût changeait à chaque gorgée ; la première avait eu une touche framboisée, un vrai petit poème symphonique).
— Ça ne vous dérange pas que je m'installe ici ? dit-il dès que le jeune homme leva la tête.
Celui-ci cligna des yeux deux ou trois fois.
— Non, non, allez-y.
Puis il jeta un coup d'œil autour de lui, paraissant presque surpris de voir tous ces gens. Semántico s'assit tranquillement, un peu en oblique, éclusa le troisième quart de sa bière (cette fois-ci, elle eut comme un arrière-goût de melon) et se mit à gamberger.
Pour conclure aussitôt que ça ne servait à rien. Il fallait qu'il aille à la pêche. Depuis qu'il était assis, l'étudiant (visiblement attardé, la trentaine bien sonnée) n'avait plus rien écrit ; son stylo restait figé en l'air. Apparemment, la glace était rompue.
— C'est une chouette ville, on dirait, lança Semántico. Il y a quelque chose dans l'air qui incite à respirer. C'est quoi, politiquement parlant ? Socialo ?
L'autre releva lentement la tête et regarda Semántico droit dans les yeux. Trois secondes passèrent.
— Disons que ce n'est pas de droite. Mais pour le côté socialo, certains utilisent plus volontiers le mot mégalo.
— Vous n'en faites pas partie ?
— Moi, je m'en fous. Je ne donne pas dans le politique.
Semántico avait fini par voir que les papiers et les livres répandus sur la table traitaient surtout de biologie.
— Vous avez bien raison, dit-il en levant son verre ; la politique, depuis le suicide médiatique de Jules César, c'est plus ce que c'était.
L'étudiant faillit trinquer mais son verre était vide depuis si longtemps que les moucherons en tapissaient les parois intérieures. Semántico fit signe au serveur qui passait dans le coin en slalomant entre les tables, évoquant plus ou moins un danseur de tango.
— La même chose pour nous deux, s'il vous plaît.
Le serveur resta figé, un sourcil arqué.
— Vous voulez tous les deux la même chose maintenant, ou la même chose que vous aviez chacun auparavant ? Parce que, non seulement c'est pas pareil, mais en plus, je ne me souviens pas de ce qu'a pris le jeune homme.
— Pour moi, ce sera plutôt un Picon-bière, indiqua Sean obligeamment.
— Et une autre Faro.
Quand le serveur fut reparti, Semántico regarda de nouveau l'étudiant, qui avait l'air franchement méfiant. Il fallait désamorcer.
— Je ne passe que quelques jours en ville, dit-il en souriant. C'est pour ne pas boire tout seul. Vous n'êtes pas obligé.
Il avait trouvé le ton juste ; l'autre se détendit, puis se mit à rassembler ses affaires.
— Excusez-moi, dit-il. Mes examens commencent la semaine prochaine, alors je suis un peu sous pression.
— Y a pas de mal.
Leurs bières arrivèrent, que Semántico paya.
— Médecine ? demanda-t-il.
— Neurologie.
Au lieu de remonter vers la place, Semántico prit la deuxième rue sur la gauche, marcha deux minutes et se retrouva au cul de l'Opéra ; son hôtel se trouvait à deux pas. Il hésita à y faire un crochet pour y déposer la doc, mais ça lui ferait de quoi s'occuper en buvant sa mousse.
Il prit une ruelle qui le mena droit sur la Chambre de Commerce et d'Industrie. Un quintet de jazz New Orleans jouait à côté d'une fontaine, pour le plaisir d'un petit public. Un peu plus loin, il déboucha sur une place animée ; il y avait surtout des restaurants mais il aperçut, dans un angle, un pub irlandais. Au moment où il allait s'y engouffrer, des relents de hooligans en train de beugler dégorgèrent de la double porte et le repoussèrent. Pour être honnête, même si les bières étaient bonnes, il ne voyait pas pourquoi il devrait payer plus cher que dans un bar normal, en étant obligé d'aller se la chercher lui-même au comptoir.
Continuant la rue qui montait insensiblement, il arriva à un parvis d'église, laissa prudemment Dieu et fils, associés, dans son dos pour contempler un instant une énorme fresque affublées de... encore plus de terrasses de restaus et de salons de thé. Mais toujours pas de bistrot en vue. Il obliqua soudain à droite, tomba encore sur une place ombragée, avec les tables de circonstance : un restau végétarien, une librairie ésotérique et un salon de thé. Allait-il craquer ?
S'engouffrant sous une voûte, il parcourut des ruelles au dallage lisse et méchamment casse-gueule pendant un bon moment, continuant à monter sans croiser de bar. Déveine ou complot ? À l'instant même où il débouchait sur une large place ombragée et truffée de terrasses de cafés, un chien lui déboula dans les jambes, manquant le renverser ; deux secondes après, un type chauve qui tenait une laisse à la main gueula « Didier ! Au pied ! Mais qu'il est con, ce chien ! » En passant devant Semántico, il ralentit vaguement, pour reprendre son souffle.
— Excusez-le, monsieur. Il est con, ce chien. C'est un chien con, c'est comme ça, on n'y peut rien.
Semántico lui adressa un sourire torve, et le type repartit à la poursuite de son labrador, avec l'expression de quelqu'un qui cherche une excuse pour ne pas aller à son propre enterrement.
La faune du soir était sur la place, bavardant et buvant. En cherchant une table où amerrir, Semántico s'aperçut que, depuis une demi-heure qu'il marchait, il n'avait pas consacré le moindre neurone à l'affaire. Il manquait d'éléments, et l'air de vacances ambiant nuisait gravement à sa santé mentale. Boire un coup devenait urgent. Au moment où il allait s'asseoir au pif, une paire d'accordéonistes attaqua Le Beau Danube bleu. Il se jeta dans la première rue sur sa gauche.
Sa bière l'attendait un peu plus loin, sur une toute petite place, à l'ombre de deux micocouliers, dans un bar qui s'appelait L'Heureux Buffy. N'ayant pas la patience d'attendre un serveur, il fonça droit au comptoir, pour en ressortir deux minutes plus tard armé d'une pinte de Faro - à la pression, s'il vous plaît ! - à laquelle il avait déjà fait un sort avant même de trouver une place où s'asseoir.
Le problème, c'est que la terrasse était comble. Seules deux ou trois tables étaient moins encombrées que les autres, avec leur client unique. Aborder la fille seule avait neuf chances sur dix d'être mal interprété ; il lui restait donc les deux mecs. L'un d'eux trépignait en fumant, sirotant son verre (vu la couleur, ce devait être un demi-pêche), tripotant son portable, jetant des regards un peu partout ; il montrait clairement qu'il attendait quelqu'un, et sa coiffure, ses fringues et sa perception du monde sortaient tout droit de la Star Académiasme. Le dernier solo avait des paperasses et des bouquins étalés devant lui ; il scribouillait, l'air d'être là depuis la veille de la saint-Glinglin, heureux comme un pape dans ce bureau idéal. C'était peut-être lui, le fameux Buffy.
Semántico se plaça derrière une chaise, face au type, et attendit que celui-ci le remarque en buvant sa Faro (d'une fraîcheur parfaite, servie dans sa chope ; grâce au fait qu'elle était au sucre de canne, c'était toujours une surprise, parce que le goût changeait à chaque gorgée ; la première avait eu une touche framboisée, un vrai petit poème symphonique).
— Ça ne vous dérange pas que je m'installe ici ? dit-il dès que le jeune homme leva la tête.
Celui-ci cligna des yeux deux ou trois fois.
— Non, non, allez-y.
Puis il jeta un coup d'œil autour de lui, paraissant presque surpris de voir tous ces gens. Semántico s'assit tranquillement, un peu en oblique, éclusa le troisième quart de sa bière (cette fois-ci, elle eut comme un arrière-goût de melon) et se mit à gamberger.
Pour conclure aussitôt que ça ne servait à rien. Il fallait qu'il aille à la pêche. Depuis qu'il était assis, l'étudiant (visiblement attardé, la trentaine bien sonnée) n'avait plus rien écrit ; son stylo restait figé en l'air. Apparemment, la glace était rompue.
— C'est une chouette ville, on dirait, lança Semántico. Il y a quelque chose dans l'air qui incite à respirer. C'est quoi, politiquement parlant ? Socialo ?
L'autre releva lentement la tête et regarda Semántico droit dans les yeux. Trois secondes passèrent.
— Disons que ce n'est pas de droite. Mais pour le côté socialo, certains utilisent plus volontiers le mot mégalo.
— Vous n'en faites pas partie ?
— Moi, je m'en fous. Je ne donne pas dans le politique.
Semántico avait fini par voir que les papiers et les livres répandus sur la table traitaient surtout de biologie.
— Vous avez bien raison, dit-il en levant son verre ; la politique, depuis le suicide médiatique de Jules César, c'est plus ce que c'était.
L'étudiant faillit trinquer mais son verre était vide depuis si longtemps que les moucherons en tapissaient les parois intérieures. Semántico fit signe au serveur qui passait dans le coin en slalomant entre les tables, évoquant plus ou moins un danseur de tango.
— La même chose pour nous deux, s'il vous plaît.
Le serveur resta figé, un sourcil arqué.
— Vous voulez tous les deux la même chose maintenant, ou la même chose que vous aviez chacun auparavant ? Parce que, non seulement c'est pas pareil, mais en plus, je ne me souviens pas de ce qu'a pris le jeune homme.
— Pour moi, ce sera plutôt un Picon-bière, indiqua Sean obligeamment.
— Et une autre Faro.
Quand le serveur fut reparti, Semántico regarda de nouveau l'étudiant, qui avait l'air franchement méfiant. Il fallait désamorcer.
— Je ne passe que quelques jours en ville, dit-il en souriant. C'est pour ne pas boire tout seul. Vous n'êtes pas obligé.
Il avait trouvé le ton juste ; l'autre se détendit, puis se mit à rassembler ses affaires.
— Excusez-moi, dit-il. Mes examens commencent la semaine prochaine, alors je suis un peu sous pression.
— Y a pas de mal.
Leurs bières arrivèrent, que Semántico paya.
— Médecine ? demanda-t-il.
— Neurologie.
Semántico
fit une moue qu'il espéra appropriée.
— Chapeau. Moi, j'y connais rien. Ralph, ajouta-t-il en proposant son verre.
— Sean, répondit le futur tritouilleur de cerveaux en trinquant. Et vous êtes dans quoi ?
— Si je vous le dis, vous n'allez pas me croire.
— Essayez quand même.
— Chasseur de fantômes.
— Pas possible ?! Merde, ce n'est pas ce que je voulais dire.
— Vous voyez, je vous avais prévenu.
— Qu'est-ce que vous entendez vraiment par "chasseur de fantômes" ?
— J'enquête sur les phénomènes inexpliqués. Je travaille pour l'Institut parapsychique transnational.
— Jamais entendu parler.
— Et pourtant, ils existent.
— Des fantômes... Vous en avez chassé beaucoup ?
— Si vous pensez à des ectoplasmes, des draps flottants sans personne dessous, des spectres grimaçants et des jeteurs de sortilèges, aucun. Par contre, des escrocs à la petite semaine, des rumeurs mesquines, des méchantes psychoses, des arnaques à l'assurance ou à l'héritage, des spéculateurs immobiliers sans scrupules - désolé pour le pléonasme - et des salopards de tout calibre, alors là, oui, j'ai un joli tableau à mon actif.
Sean plissa le front.
— C'est une profession peu commune.
— Elle est discrète, par définition.
— Vous avez déjà eu affaire à des cas de lésions cérébrales ? Vous savez qu'elles peuvent provoquer des hallucinations parfaitement crédibles ?
— Deux ou trois fois, oui, répondit Semántico en espérant que ses lectures d'Oliver Sacks lui permettraient de faire face. Je me rappelle notamment d'une vieille femme qui prétendait que l'air est habité par des créatures tubulaires plus ou moins en forme de raies manta transparentes. Elle avait toute une théorie pour expliquer qu'on ne peut pas les percevoir ni les toucher, donc qu'on ne peut même pas savoir qu'elles existent. Quand on lui demandait comment elle faisait pour être au courant, elle s'évanouissait. Enfin bref, tout cela ne cachait qu'une vulgaire arnaque à la succession.
— Du Chabrol, quoi ! Les progrès de la médecine ont dissipé pas mal de fantômes et de croyances, depuis quelques siècles. Votre profession est vouée à disparaître ; ça ne vous inquiète pas ?
— Dans une société où la motivation la plus répandue est le profit, il y aura toujours des témoins gênants, donc des disparitions inexpliquées. Je ne me fais aucun souci.
Ça devenait mondain, cette conversation. Il était temps de sortir le fouet.
— Parlez-moi du côté mégalo de la ville, comme vous disiez, enchaîna Semántico.
— C'est curieux que vous vous intéressiez à ça. J'imagine que vous êtes ici pour enquêter sur une affaire non conventionnelle.
— C'est ça, mais je suis comme les médecins : j'ai besoin de connaître le contexte et l'historique du patient pour poser mon diagnostic.
Sean s'esclaffa.
— Touché ! comme on dit en anglais. Laissez-moi réfléchir à la manière dont je vais vous présenter la chose.
— Prenez votre temps ; j'ai toute la nuit, répondit Semántico en songeant tout-à-coup qu'il avait complètement oublié de demander à Mirabelle à quelle heure elle finissait de bosser.
— Ce qu'il y a de mégalo à Montchauvier, c'est que la mairie est socialiste depuis près de quarante ans, qu'elle l'a été sous le même maire pendant quatre ou cinq mandats, mais que celui-ci ne l'est plus parce qu'il a préféré devenir président de la communauté de communes, ce qui ne l'a pas empêché de faire élire à la mairie une de ses protégées de même couleur. Et donc, depuis Giscard, ici, c'est un fief mitterrandiste, et ça le reste malgré les bourdes calamiteuses perpétrées régulièrement par le seigneur local.
— C'est comment son nom, déjà ?
— Damoureddo, Roger. Et la mairesse, Marianne Duport.
— Et vous ne les portez pas dans votre cœur ?
— Comme je vous le disais, je m'en fous. Je fais mes études ici, comme beaucoup de gens parce que c'est l'une des villes les plus pointues en matière de médecine ; mais quand elles seront terminées, l'an prochain si tout va bien, j'irai exercer en Afrique.
— De quel côté ? demanda Semántico en prenant un ton neutre.
— Je ne sais pas encore. Des gens comme moi, il y en a besoin partout, là-bas.
— Vous m'avez mal compris. Je voulais dire : de quel côté de la barrière ? Avec les êtres humains qui ont besoin de soins ? Ou avec les marchands de médocs qui ont besoin de cobayes ?
Sean le regarda un instant puis sourit.
— Tu aimes bien aller droit au but, on dirait, Ralph ? J'aurais cru qu'un limier du paranormal serait capable de plus de diplomatie.
Il ne le disait pas méchamment. Semántico se recula dans son fauteuil.
— Ouais, j'ai un côté Zorro des Bois qui me ferme effectivement certaines portes. Mais j'adore les défoncer à coups de tatane, s'il le faut.
Sean éclata de rire.
— Alors, voici un argument qui devrait te convaincre que je suis du bon côté de la tatane : mon père est biochimiste ; c'est l'un des inventeurs de la graine qui ne germe qu'une seule fois. Quand je lui ai dit que je comptais consacrer ma vie à défaire ce qu'il avait fait, il m'a purement et simplement déshérité. Comme au XIXe siècle. Pfuit ! Fantômatisés, les millions de royalties. Si tu les retrouves, je les offrirai au Cristal Rouge ; il en crèvera d'apoplexie. Encore que ce ne soit plus à la mode, hélas ! Vu que, pour mourir d'apoplexie, il faut avoir une conscience capable de s'étouffer.
Semántico termina son verre, aussitôt imité par Sean.
— Quel genre de saligaud poursuis-tu, cette fois ? demanda ce dernier.
Semántico hésita avant de lui répondre.
— À vrai dire, je ne sais pas encore. Du genre furtif, forcément. Qui n'agit que par la bande. Des saligauds, mais lâches, en plus. Qui n'assument pas ce qu'ils font. Peut-être même des amateurs, qui font du gâchis puis laissent le ménage à quelqu'un d'autre.
— Qu'est-ce qui te fait penser que la politique de la ville a quelque chose à voir avec ton affaire ?
— Je ne connais pas les chiffres, mais les choses ont l'air de bouger vite, ici ; je me trompe ?
— Plus forte démographie d'Europe depuis douze ans ; plus fort taux de chômage de la région ; plus forte augmentation d'impôts locaux en France sur ces dix dernières années ; les parcmètres les plus chers après Paris et Nice, et il y en a jusqu'à deux kilomètres autour du centre-ville ; tiens, au fait ! tu savais que les parcmètres sont anticonstitutionnels ?
Semántico opina brièvement du chef ; la querelle ne valait pas la peine d'être reprise. Les gens préféraient raquer et se faire entuber ? Un peu plus, un peu moins...
— Qu'est-ce qu'il y a d'autres ? continua Sean. Des chantiers BTP monstrueux ; un réseau routier déjà en place pour le cas où l'agglomération doublerait sa population en dix ans ; des hôtels de police à tous les coins de rue ; même qu'on les dirait dessinés par Albert Speer et peints à la main par des ouvriers de chez Fauchon ; des centres commerciaux énormes qui ressemblent au plateau du Truman Show ; et... et tout un tas de projets délirants, tape-à-l'œil et pas franchement nécessaires.
— Comme le tramway, par exemple ?
Sean acquiesça.
— Et pour les pots-de-vins qui se cachent derrière tout ça, je ne peux pas t'en dire plus. Je ne connais personne qui travaille directement pour la municipalité.
— Officiellement, il a coûté combien, le tram ?
— La première ligne, dans les cinq cents millions d'euros. La deuxième presque autant. La troisième est en route, et elle va crever les plafonds.
— Et officieusement ?
Sean haussa les épaules.
— Même si je le savais, le fait de te le dire ne te permettrait pas de savoir où commencer tes recherches, pas vrai ?
Semántico devait l'admettre.
— Et si je lance un nom au hasard ? Guilhem Borromino.
Sean se raidit et fixa Semántico.
— C'est le lycéen qui a été inculpé d'homicide pour avoir poussé quelqu'un sous le tram. C'est sur ça que tu enquêtes ? Ce n'est pas vraiment une histoire de fantômes.
— Si, puisqu'on n'a retrouvé aucun cadavre et qu'il s'est pendu dans sa cellule il y a deux nuits.
La bouche de Sean se tordit en un rictus de dégoût, tandis que ses épaules s'affaissaient.
— Je l'ignorais. Je suis plongé dans mes révisions, alors je n'ai pas lu le journal depuis... trois ou quatre jours.
— Tu le connaissais ?
— Non. C'est grand, ici, tu sais. Il y a plus de cinquante mille étudiants.
— Pourtant, ça a l'air de te toucher.
— Une manif de soutien est... Enfin, était prévue demain sur la Parodie. Ah, merde, c'est dégueulasse !
— Si tu veux mon avis, elle aura quand même lieu, la manif. Mais plus pour la même raison.
Sean regarda sombrement Semántico.
— Écoute, je ne sais pas qui tu es vraiment, mais je vais t'aider.
— Tu n'es pas obligé.
— Que si ! assena-t-il en mettant Semántico au défi de le contredire. J'ai lu dans le journal que le gosse était au lycée Leclerc, en terminale lettres. J'irai me renseigner pour savoir quel bar il fréquentait.
— Je préfèrerais m'en occuper moi-même si ça...
— Ralph ! Tu as, quoi, trente-cinq ans ? Jamais les lycéens n'accepteront de te parler. Rien qu'à ta façon de t'habiller, on sait que tu as arrêté de regarder la télé entre la mort de la Cinq et la naissance d'Arte. Crois-le ou non, mais ils ont réussi à trouver encore plus con que Dechavanne. En comparaison, ce pauvre naze a l'air d'un homme du monde ! Tu ne parles plus le même langage qu'eux. Ils vont t'envoyer paître et puis c'est marre. Peut-être même qu'ils te raconteront des bobards et tu ne le sauras même pas. Je vais te donner mon numéro.
Il s'agitait comme un pou ; il déchira un coin de feuille de cours pour y griffonner.
— Il y a une autre piste qui est plus dans tes cordes, enchaîna-t-il sans reprendre son souffle.
Semántico n'eut même pas le loisir de lui demander laquelle.
— Borromino, enchaîna Sean, c'est le nom du principal adversaire du tramway.
— Il est dans l'opposition ?
— Bien sûr que oui. Et il est juriste. Véreux, je ne sais pas. En tout cas, c'est le maire d'une commune voisine, Largolles. Et... tiens !
— Oui ?
— Eh bien, ça ne veut peut-être rien dire mais l'an dernier, il y a eu un petit scandale dans la région. La commune de Largolles a littéralement fait sécession.
— C'est-à-dire ?
— Elle faisait partie de la Communauté de communes présidée par Damoureddo depuis qu'il n'est plus maire ; à la suite de je ne sais quel chambardement, le maire de Largolles a décidé de quitter la communauté. Du coup, le tram n'ira pas jusqu'à là-bas. Or, l'aéroport est précisément sur cette commune, et il est en passe d'être classé international. Donc, tu imagines les enjeux ?
Semántico resta silencieux un moment, pendant que Sean commandait à grands gestes une autre tournée.
— Tu penses, dit Semántico juste après, que l'histoire de Guilhem peut être un coup volontairement porté à Borromino pour l'affaiblir ou le dissuader de faire quelque chose ?
— Il n'y a que la vérité qui fâche, non ?
Sean tendit son numéro de téléphone à Semántico en silence. Ils entamèrent leur bière respective.
— D'un autre côté, dit lentement Sean, la tumeur n'a peut-être pas encore atteint de centre décisionnel...
— Ça, c'est dans tes cordes, doc. Toi, le scalpel ; moi, la santiag.
— Viens à la manif demain matin ; je laisserai traîner mes oreilles de mon côté. Je te dirai ce que j'ai ramassé. Rendez-vous devant l'office de tourisme à onze heures. OK ?
Semántico préféra garder pour lui le fait qu'il ne songeait pas à attendre l'aide de Sean. Ils terminèrent leurs bières calmement.
— Chapeau. Moi, j'y connais rien. Ralph, ajouta-t-il en proposant son verre.
— Sean, répondit le futur tritouilleur de cerveaux en trinquant. Et vous êtes dans quoi ?
— Si je vous le dis, vous n'allez pas me croire.
— Essayez quand même.
— Chasseur de fantômes.
— Pas possible ?! Merde, ce n'est pas ce que je voulais dire.
— Vous voyez, je vous avais prévenu.
— Qu'est-ce que vous entendez vraiment par "chasseur de fantômes" ?
— J'enquête sur les phénomènes inexpliqués. Je travaille pour l'Institut parapsychique transnational.
— Jamais entendu parler.
— Et pourtant, ils existent.
— Des fantômes... Vous en avez chassé beaucoup ?
— Si vous pensez à des ectoplasmes, des draps flottants sans personne dessous, des spectres grimaçants et des jeteurs de sortilèges, aucun. Par contre, des escrocs à la petite semaine, des rumeurs mesquines, des méchantes psychoses, des arnaques à l'assurance ou à l'héritage, des spéculateurs immobiliers sans scrupules - désolé pour le pléonasme - et des salopards de tout calibre, alors là, oui, j'ai un joli tableau à mon actif.
Sean plissa le front.
— C'est une profession peu commune.
— Elle est discrète, par définition.
— Vous avez déjà eu affaire à des cas de lésions cérébrales ? Vous savez qu'elles peuvent provoquer des hallucinations parfaitement crédibles ?
— Deux ou trois fois, oui, répondit Semántico en espérant que ses lectures d'Oliver Sacks lui permettraient de faire face. Je me rappelle notamment d'une vieille femme qui prétendait que l'air est habité par des créatures tubulaires plus ou moins en forme de raies manta transparentes. Elle avait toute une théorie pour expliquer qu'on ne peut pas les percevoir ni les toucher, donc qu'on ne peut même pas savoir qu'elles existent. Quand on lui demandait comment elle faisait pour être au courant, elle s'évanouissait. Enfin bref, tout cela ne cachait qu'une vulgaire arnaque à la succession.
— Du Chabrol, quoi ! Les progrès de la médecine ont dissipé pas mal de fantômes et de croyances, depuis quelques siècles. Votre profession est vouée à disparaître ; ça ne vous inquiète pas ?
— Dans une société où la motivation la plus répandue est le profit, il y aura toujours des témoins gênants, donc des disparitions inexpliquées. Je ne me fais aucun souci.
Ça devenait mondain, cette conversation. Il était temps de sortir le fouet.
— Parlez-moi du côté mégalo de la ville, comme vous disiez, enchaîna Semántico.
— C'est curieux que vous vous intéressiez à ça. J'imagine que vous êtes ici pour enquêter sur une affaire non conventionnelle.
— C'est ça, mais je suis comme les médecins : j'ai besoin de connaître le contexte et l'historique du patient pour poser mon diagnostic.
Sean s'esclaffa.
— Touché ! comme on dit en anglais. Laissez-moi réfléchir à la manière dont je vais vous présenter la chose.
— Prenez votre temps ; j'ai toute la nuit, répondit Semántico en songeant tout-à-coup qu'il avait complètement oublié de demander à Mirabelle à quelle heure elle finissait de bosser.
— Ce qu'il y a de mégalo à Montchauvier, c'est que la mairie est socialiste depuis près de quarante ans, qu'elle l'a été sous le même maire pendant quatre ou cinq mandats, mais que celui-ci ne l'est plus parce qu'il a préféré devenir président de la communauté de communes, ce qui ne l'a pas empêché de faire élire à la mairie une de ses protégées de même couleur. Et donc, depuis Giscard, ici, c'est un fief mitterrandiste, et ça le reste malgré les bourdes calamiteuses perpétrées régulièrement par le seigneur local.
— C'est comment son nom, déjà ?
— Damoureddo, Roger. Et la mairesse, Marianne Duport.
— Et vous ne les portez pas dans votre cœur ?
— Comme je vous le disais, je m'en fous. Je fais mes études ici, comme beaucoup de gens parce que c'est l'une des villes les plus pointues en matière de médecine ; mais quand elles seront terminées, l'an prochain si tout va bien, j'irai exercer en Afrique.
— De quel côté ? demanda Semántico en prenant un ton neutre.
— Je ne sais pas encore. Des gens comme moi, il y en a besoin partout, là-bas.
— Vous m'avez mal compris. Je voulais dire : de quel côté de la barrière ? Avec les êtres humains qui ont besoin de soins ? Ou avec les marchands de médocs qui ont besoin de cobayes ?
Sean le regarda un instant puis sourit.
— Tu aimes bien aller droit au but, on dirait, Ralph ? J'aurais cru qu'un limier du paranormal serait capable de plus de diplomatie.
Il ne le disait pas méchamment. Semántico se recula dans son fauteuil.
— Ouais, j'ai un côté Zorro des Bois qui me ferme effectivement certaines portes. Mais j'adore les défoncer à coups de tatane, s'il le faut.
Sean éclata de rire.
— Alors, voici un argument qui devrait te convaincre que je suis du bon côté de la tatane : mon père est biochimiste ; c'est l'un des inventeurs de la graine qui ne germe qu'une seule fois. Quand je lui ai dit que je comptais consacrer ma vie à défaire ce qu'il avait fait, il m'a purement et simplement déshérité. Comme au XIXe siècle. Pfuit ! Fantômatisés, les millions de royalties. Si tu les retrouves, je les offrirai au Cristal Rouge ; il en crèvera d'apoplexie. Encore que ce ne soit plus à la mode, hélas ! Vu que, pour mourir d'apoplexie, il faut avoir une conscience capable de s'étouffer.
Semántico termina son verre, aussitôt imité par Sean.
— Quel genre de saligaud poursuis-tu, cette fois ? demanda ce dernier.
Semántico hésita avant de lui répondre.
— À vrai dire, je ne sais pas encore. Du genre furtif, forcément. Qui n'agit que par la bande. Des saligauds, mais lâches, en plus. Qui n'assument pas ce qu'ils font. Peut-être même des amateurs, qui font du gâchis puis laissent le ménage à quelqu'un d'autre.
— Qu'est-ce qui te fait penser que la politique de la ville a quelque chose à voir avec ton affaire ?
— Je ne connais pas les chiffres, mais les choses ont l'air de bouger vite, ici ; je me trompe ?
— Plus forte démographie d'Europe depuis douze ans ; plus fort taux de chômage de la région ; plus forte augmentation d'impôts locaux en France sur ces dix dernières années ; les parcmètres les plus chers après Paris et Nice, et il y en a jusqu'à deux kilomètres autour du centre-ville ; tiens, au fait ! tu savais que les parcmètres sont anticonstitutionnels ?
Semántico opina brièvement du chef ; la querelle ne valait pas la peine d'être reprise. Les gens préféraient raquer et se faire entuber ? Un peu plus, un peu moins...
— Qu'est-ce qu'il y a d'autres ? continua Sean. Des chantiers BTP monstrueux ; un réseau routier déjà en place pour le cas où l'agglomération doublerait sa population en dix ans ; des hôtels de police à tous les coins de rue ; même qu'on les dirait dessinés par Albert Speer et peints à la main par des ouvriers de chez Fauchon ; des centres commerciaux énormes qui ressemblent au plateau du Truman Show ; et... et tout un tas de projets délirants, tape-à-l'œil et pas franchement nécessaires.
— Comme le tramway, par exemple ?
Sean acquiesça.
— Et pour les pots-de-vins qui se cachent derrière tout ça, je ne peux pas t'en dire plus. Je ne connais personne qui travaille directement pour la municipalité.
— Officiellement, il a coûté combien, le tram ?
— La première ligne, dans les cinq cents millions d'euros. La deuxième presque autant. La troisième est en route, et elle va crever les plafonds.
— Et officieusement ?
Sean haussa les épaules.
— Même si je le savais, le fait de te le dire ne te permettrait pas de savoir où commencer tes recherches, pas vrai ?
Semántico devait l'admettre.
— Et si je lance un nom au hasard ? Guilhem Borromino.
Sean se raidit et fixa Semántico.
— C'est le lycéen qui a été inculpé d'homicide pour avoir poussé quelqu'un sous le tram. C'est sur ça que tu enquêtes ? Ce n'est pas vraiment une histoire de fantômes.
— Si, puisqu'on n'a retrouvé aucun cadavre et qu'il s'est pendu dans sa cellule il y a deux nuits.
La bouche de Sean se tordit en un rictus de dégoût, tandis que ses épaules s'affaissaient.
— Je l'ignorais. Je suis plongé dans mes révisions, alors je n'ai pas lu le journal depuis... trois ou quatre jours.
— Tu le connaissais ?
— Non. C'est grand, ici, tu sais. Il y a plus de cinquante mille étudiants.
— Pourtant, ça a l'air de te toucher.
— Une manif de soutien est... Enfin, était prévue demain sur la Parodie. Ah, merde, c'est dégueulasse !
— Si tu veux mon avis, elle aura quand même lieu, la manif. Mais plus pour la même raison.
Sean regarda sombrement Semántico.
— Écoute, je ne sais pas qui tu es vraiment, mais je vais t'aider.
— Tu n'es pas obligé.
— Que si ! assena-t-il en mettant Semántico au défi de le contredire. J'ai lu dans le journal que le gosse était au lycée Leclerc, en terminale lettres. J'irai me renseigner pour savoir quel bar il fréquentait.
— Je préfèrerais m'en occuper moi-même si ça...
— Ralph ! Tu as, quoi, trente-cinq ans ? Jamais les lycéens n'accepteront de te parler. Rien qu'à ta façon de t'habiller, on sait que tu as arrêté de regarder la télé entre la mort de la Cinq et la naissance d'Arte. Crois-le ou non, mais ils ont réussi à trouver encore plus con que Dechavanne. En comparaison, ce pauvre naze a l'air d'un homme du monde ! Tu ne parles plus le même langage qu'eux. Ils vont t'envoyer paître et puis c'est marre. Peut-être même qu'ils te raconteront des bobards et tu ne le sauras même pas. Je vais te donner mon numéro.
Il s'agitait comme un pou ; il déchira un coin de feuille de cours pour y griffonner.
— Il y a une autre piste qui est plus dans tes cordes, enchaîna-t-il sans reprendre son souffle.
Semántico n'eut même pas le loisir de lui demander laquelle.
— Borromino, enchaîna Sean, c'est le nom du principal adversaire du tramway.
— Il est dans l'opposition ?
— Bien sûr que oui. Et il est juriste. Véreux, je ne sais pas. En tout cas, c'est le maire d'une commune voisine, Largolles. Et... tiens !
— Oui ?
— Eh bien, ça ne veut peut-être rien dire mais l'an dernier, il y a eu un petit scandale dans la région. La commune de Largolles a littéralement fait sécession.
— C'est-à-dire ?
— Elle faisait partie de la Communauté de communes présidée par Damoureddo depuis qu'il n'est plus maire ; à la suite de je ne sais quel chambardement, le maire de Largolles a décidé de quitter la communauté. Du coup, le tram n'ira pas jusqu'à là-bas. Or, l'aéroport est précisément sur cette commune, et il est en passe d'être classé international. Donc, tu imagines les enjeux ?
Semántico resta silencieux un moment, pendant que Sean commandait à grands gestes une autre tournée.
— Tu penses, dit Semántico juste après, que l'histoire de Guilhem peut être un coup volontairement porté à Borromino pour l'affaiblir ou le dissuader de faire quelque chose ?
— Il n'y a que la vérité qui fâche, non ?
Sean tendit son numéro de téléphone à Semántico en silence. Ils entamèrent leur bière respective.
— D'un autre côté, dit lentement Sean, la tumeur n'a peut-être pas encore atteint de centre décisionnel...
— Ça, c'est dans tes cordes, doc. Toi, le scalpel ; moi, la santiag.
— Viens à la manif demain matin ; je laisserai traîner mes oreilles de mon côté. Je te dirai ce que j'ai ramassé. Rendez-vous devant l'office de tourisme à onze heures. OK ?
Semántico préféra garder pour lui le fait qu'il ne songeait pas à attendre l'aide de Sean. Ils terminèrent leurs bières calmement.
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