jeudi 27 septembre 2012

L'Affaire des Bisoux



Un jour, pendant une pause entre deux cours, je fus abordé par la sous-directrice de l'établissement où j'étudiais. Elle avait l'air ennuyé et semblait chercher à éviter les regards de mes camarades, assis çà et là. Après avoir attiré mon attention, la sous-directrice se pencha vers moi et me dit à l'oreille "Vous êtes convoqué chez la directrice, vous et Mlle S. Elle y est déjà. On vous attend."
Allons bon ! Mlle S. – N. de son prénom – était ma petite amie du moment ; nous nous étions rencontrés dans cette école et nous étions "ensemble" depuis quelque temps ; tout allait bien entre nous. Je ne voyais pas ce qui pouvait clocher au point de finir chez la dirlo. A vrai dire, je ne pensais même pas que quelque chose clochait ; je pensai plutôt que N. avait eu un accident.
Je me levai aussitôt pour suivre la sous-dirlo, sous les regards inquiets de mes camarades, qui n'osaient rien dire. Une fois dans le bâtiment administratif, je posai quelques questions qui n'obtinrent pas de réponse ; sinon, peut-être, que ce n'était pas un accident. Je ne me souviens pas ; mais je me souviens que lorsque j'entrai dans le bureau, N. était assise sur une chaise, face au bureau de la directrice, et qu'elle ne me regarda pas.

lundi 24 septembre 2012

Une preuve d'amour









Quand j'avais 27 ans, j'ai suivi un stage de "Production et réalisation cinématographique et audio-visuelle", nom pompeux pour désigner un vague programme de quelques dizaines d'heures de bidouillage plutôt théoriques dispensés par des professionnels en manque cruel de profession - et même, en une occasion, en manque de tout, puisque l'un d'entre eux, un jour, nous envoya sa femme à sa place.

dimanche 23 septembre 2012

Le soir juste avant les ruelles

Photo DR



Je marchais un jour dans la rue d'Italie à Aix-en-Provence. C'était en février et il faisait un froid de canard. La rue d'Italie est dite semi-piétonne, un terme technocratique pour camoufler le fait que les voitures y tentent d'écraser les piétons pendant que les piétons font tout ce qu'ils peuvent pour emmerder les automobilistes. Aix étant ce qu'elle est – une ville snob conçue pour les snobs – et la rue étant l'une des plus commerçantes de la ville, s'y déplacer relève de l'exploit, quel que soit le mode de locomotion. Les choses y vont vite, atteignant souvent une frénésie digne des soirs de réveillon. Quant aux soirs de réveillon, ils sont invivables.
Bref, j'avais toutes les raisons de me dépêcher d'en finir, de sortir de cette rue pour aller... où j'allais. Il me restait une dizaine de mètres à parcourir lorsque j'avisai une silhouette rencognée sous un porche. Je ne sais ce qui attira mon attention. C'était une silhouette masculine, assez petite, vêtue d'un pantalon sombre quelconque et d'une veste de survêtement couleur de muraille. Elle n'avait rien de remarquable ; le capuchon du survêt' lui recouvrait entièrement le visage, mais vu la température, c'était on ne peut plus normal. Ce qui attira mon attention, c'est peut-être que l'individu n'avait pas l'air de se protéger du froid mais d'être à l'affût. Nuance que j'aurais du mal à expliquer.

L'ART DE DISPARÊTRE ou A quoi bon tenir un blog ?




L'art de disparêtre sur Internet
ou À quoi bon tenir un blog ?

Avertissement : ceci est une chronique expérimentale.

Certains livres vous distraient, d'autres vous indiffèrent ou vous ennuient, vous glacent de terreur ou vous font mourir de rire ; il en est dont la fonction semble de faire réagir. Aujourd'hui, j'ai donc décidé de mener une expérience : je laisse ouverte la fenêtre Nouveau message de mon blog et, tout en lisant Le Yogi et le Commissaire, d'Arthur Kœstler (recueil d'articles écrits entre 1940 e 1944), je prends des notes et je commente. (Sauf indication contraire, les phrases en italique sont d'A. K.)


jeudi 20 septembre 2012

LA VOIX ABSOLUE : Hommage à Georges Aminel

Photo DR


Dans le film Le Magnifique, de Philippe de Broca (1968, scénario de François Veber, Philippe de Broca et Jean-Paul Rappeneau), j'ai toujours cru que le personnage de Georges Charron, l'éditeur de François Merlin, était une caricature. Maintenant que j'ai eu une vague carrière d'écrivain et que j'ai dû côtoyer de vrais éditeurs, en revoyant le film récemment, je me suis aperçu que non seulement Charron n'est pas caricatural, mais qu'au contraire, il est hurlant de vérité.
C'est pourquoi (!) je tiens à rendre hommage ici et maintenant aux deux personnes de l'ombre qui constituent le personnage savoureusement haïssable de Charron / Karpov : son acteur Vittorio Caprioli, l'un des plus méconnus de l'histoire des cinémas italiens et français (il a tourné dans plus de cent films) ; et surtout son doubleur français, l'acteur de théâtre Georges Aminel, alias Jacques Maline, dont la voix extraordinaire a bercé mon enfance et mon adolescence et résonne encore sous mon crâne quand je me raconte des histoires. Car il fut à lui seul l'incarnation du Mal hypnotique mais bourré d'humour, de la tentation de se laisser aller à écouter des heures sans rien faire tous les conteurs et griots du monde.

lundi 17 septembre 2012

Le patron du Moi



Un jour, quand j'avais 25 ans, je travaillais comme préparateur et convoyeur de véhicules dans une agence de location. Ce boulot consiste essentiellement à nettoyer les bagnoles et les camionnettes, à vérifier les niveaux de liquide, la pression des pneus, etc. Il faut aussi aller les chercher là où des clients les laissent (parfois en panne), ou bien les amener là où ils veulent les prendre (généralement, un endroit perdu et/ou bizarre).
Une autre attribution du "jockey" (comme on disait en jargon de loueurs) découle d'un aspect technique des contrats de location : les assurances ne fonctionnent pas tant que le loueur n'a pas expressément visé le permis de conduire du locataire et inscrit son numéro sur le contrat. Or, beaucoup de gens viennent à l'agence en ayant oublié leur permis, soit chez eux, soit à l'hôtel où ils séjournent. Dans le deuxième cas, la solution est simple : le "jockey" (qui, étant employé, est couvert par l'assurance du loueur) raccompagne le client à son hôtel, en conduisant le véhicule que celui-ci est venu louer. Ça évite au client de reprendre un taxi et ça permet au loueur de facturer quelques kilomètres de plus. Accessoirement, on peut aussi faire quelques rencontres, puisqu'on a le temps de parler pendant les embouteillages (les clients à problème viennent toujours aux heures de pointe).

CLOUD ATLAS / CARTOGRAPHIE DES NUAGES de David Mitchell : bientôt le film (peut-être)

photo DR



En 2004 sortait Cartographie des Nuages (le titre est celui de l'éditeur L'Olivier), le troisième roman de David Mitchell, que je considère comme le meilleur roman de la décennie 2000. Le 8 octobre 2012 sort au Canada l'adaptation cinématographie de ce chef-d'oeuvre absolu. Le réalisateur en est Tom Tykwer et les producteurs sont les Wachowsky frère et soeur.
En 2008, j'avais découvert l'Atlas des Nuages parce que Marc Vassart me l'avait recommandé, ayant lu ma novella Rangatira, qui retrace le voyage en Europe en 1840 d'un représentant du peuple Moriori, sujet que Mitchell abordait aussi dans la première partie de son roman-gigogne.

jeudi 13 septembre 2012

LE SERVAL NOIR de Marc Vassart



Après la chiraquienne décision de créer un musée des Arts dits premiers, Somerset Bienvenue, ethnolinguiste au Musée de l'Homme sentant son service voué à la disparition, remue ciel et terre pour trouver un moyen de remplumer son prestige et le rendre indispensable à la recherche française.
Somerset Bienvenue a une grande gueule, mais ses arguments ne parviennent pas à faire mouche. En désespoir de cause, il suit une intuition bizarre, en l'occurrence une machine qui permettrait de lire le relief des poteries faites au tour, restituant la voix du potier au moment où il exécutait son travail. Alors que l'armée US envahit le Kenya pour des raisons «humanitaires», Somerset Bienvenue se retrouve en Tanzanie à la recherche de la langue originelle des Hadzabé, découverte qui redorerait le blason de son service.

lundi 10 septembre 2012

Moeurs libres (et tais-toi !)

Crâne d'étudiant après coups de crosse.




Après le bac, j'ai choisi d'étudier le cinéma ; à la fac. Donc, pour faire plus administratif : un DEUG de Communications et Sciences du Langage, option Cinéma. Un des cours que je suivis était celui d'« Atelier de création filmique », titre bien ronflant pour désigner ce qui était surtout un joyeux bordel. La première année, il s'agissait de réaliser un court-métrage en super-8 ; la deuxième, on était encouragé à tâter de la vidéo.

LETTRE OUVERTE à la ministre de Cultura, suivie d'une IMMODESTE PROPOSITION


« C’est l’éditeur qui fait la littérature » dixit Filipetti, ministre de Cultura.

Varions sur le thème :
C’est le galeriste qui fait la peinture ; le producteur qui fait le cinéma ; le plombier qui fait l’hygiène ; le cuisinier qui fait l’appétit ; le sexologue qui fait l'amour ; le papetier qui fait l'éducation ; le cafetier qui fait l’ivresse ; le couturier qui fait la beauté ; le cochon qui fait la charcuterie ; l’oie qui fait la poésie ; le politicien qui fait la démocratie…
Oups ! Un lapsus...
Au fait, avant que je n’aille plus loin - c’est-à-dire trop loin - qui « fait » vos discours ?

vendredi 7 septembre 2012

Enfant du pétrole joue de la pistole




« enfant du pétrole joue de la pistole »

(proverbe raffiné)




Un parfum de guerre règne sur le ciment
Saddam est inquiet
Il achète des sacs de sable à Jean-Marie
Pour construire des barricades qui partiront en poussière se mêler aux lambeaux de chair humaine
Les journalistes français lèchent les bottes de Jean-Marie
Pour aller sur place raconter la gu-guerre
La gu-guerre qui-aura-bien-lieu
Les journalistes français ont le droit d’aller où ils veulent
Les soldats aussi
(on les distingue à leurs uniformes : les soldats sont kaki, les journalistes sont kodak)
Tout cela parce que la France est un pays libre
La France est un pays libre
La France est un pays libre
(Oui, il faut le dire trois fois en fermant les yeux pour espérer que ça devienne vraiment vrai)
Je regarde autour de moi  :
La France a encore l’air libre
Et l’eau courante
Les autoroutes payantes...
Merde ! J’ai encore oublié que les artistes
N’ont pas le droit de faire de politique
(Ni de dire merde)
C’est sérieux, la politique
Faut être vachement sérieux
Pour faire la gu-guerre
En poussant des chars d’assaut sur une carte
Grosse comme le monde.
Sous la carte.. le carburant
Qui propulse les chars
Qui vont protéger le pétrole
Qui inondera les campagnes
Les campagnes politiques

mardi 4 septembre 2012

Le Principe de la Balle à blanc


LE PRINCIPE
DE LA BALLE À BLANC
ou le Remède pour guérir du Capitalisme


         Chers correspondants, comme vous le savez peut-être, lors d'une exécution militaire, l'officier qui distribue à chaque soldat la cartouche qui va permettre d'appliquer la sentence explique à ses hommes que l'une de ces douze balles est chargée à blanc ; ainsi les braves soldats - qui, dans les pays démocratiques, ont été tirés au sort ; dans les autres, ils sont volontaires - pourront se sentir moins coupables en se persuadant qu'ils n'ont pas vraiment tué leur ancien camarade devenu déserteur.

lundi 3 septembre 2012

Vendez-nous notre pain quotidien



Un dimanche de mon enfance, mes parents décidèrent de m'inculquer un certain sens de la responsabilité vis-à-vis de l'argent. Je devais avoir sept ou huit ans ; ils me confièrent la mission d'aller acheter le petit déjeuner familial à la boulangerie du village et me donnèrent un billet de 50 francs, ce qui faisait beaucoup pour l'époque (1974) et pour un petit garçon.