Crâne d'étudiant après coups de crosse. |
Après
le bac, j'ai choisi d'étudier le cinéma ; à la fac. Donc,
pour faire plus administratif : un DEUG de Communications et
Sciences du Langage, option Cinéma. Un des cours que je suivis
était celui d'« Atelier de création filmique », titre
bien ronflant pour désigner ce qui était surtout un joyeux bordel.
La première année, il s'agissait de réaliser un court-métrage en
super-8 ; la deuxième, on était encouragé à tâter de la
vidéo.
Mme
T. (la professeur dont j'abrège le nom parce qu'elle exerce encore
peut-être ses « talents ») nous octroya « toute
liberté sur le sujet du film et son traitement ». Nous devions
seulement respecter un planning en trois étapes : à la fin du
premier trimestre, le scénario devait être prêt, ainsi que le plan
de tournage ; à la fin du second, il fallait avoir tourné
toutes les images afin qu'elles soient visionnées et commentées par
l'ensemble des étudiants ; et à la fin du troisième
trimestre, le montage et la sonorisation devaient être terminés,
afin que l'année se termine en apothéose, par une projection
générale des films.
C'était
un bon planning. Mme T. insista longuement sur la liberté de choix
que nous avions et répéta maintes fois que son rôle se limiterait
à une assistance purement technique.
La
première année du DEUG, lors de la séance de visionnage des
bobines brutes, je ne sais si quelqu'un dans la salle s'attendait
vraiment à voir de la pornographie. Pourtant, malgré leur éclairage
pisseux, les images prises par l'étudiant E. ne prêtaient guère à
équivoque. Pendant deux longues minutes, un couple aux têtes
« savamment » disposées hors-cadre, se livrait aux joies
du coït puis de la sodomie. Les réactions des étudiants furent
diverses : rire gras, suffocation, indignation contenue,
consternation, dégoût ; et, à part le sourire fat de
l'étudiant E., nulle appréciation véritable. Mme T., quant à
elle, n'eut aucun commentaire et passa à la bobine suivante avec un
mutisme inhabituel. A la fin de l'année, le film d'E. qui contenait
ces images, fut montré à trois cents personnes non prévenues et de
tous les âges. Nous nous sentions en démocratie. C'était bien.
L'année
suivante, mon groupe voulut faire un film court essentiellement basé
sur une prouesse technique (un plan-séquence de 4 minutes). Autant
dire que notre scénario était fort simple. Qu'on en juge :
trois hommes et une femme jouent au poker - suspense classique -
les enchères montent - la femme gagne et rafle les mises - un des
hommes l'accuse d'avoir triché - les deux autres le calment - la
femme s'en va - la dernière image révèle qu'elle a effectivement
triché. Rien de plus.
Lorsque
Mme T. eut pris connaissance de ce scénario, elle nous demanda de
rester après le cours pour nous faire part d'un « petit
problème » ; nous étions loin d'imaginer ce qu'elle nous
réservait. Au bout de dix longues minutes de tergiversations
nébuleuses, elle avoua enfin qu'elle ne pouvait « nous laisser
mettre en scène une histoire aussi peu morale ». Mes amis, qui
étaient trois contre un, parvinrent à me calmer. Ils m'obligèrent
ensuite à laisser tomber le projet pour réaliser à sa place une
manière de vidéo-clip fait de bric et de broc, sans prétention,
sans scénario et surtout sans morale.
L'année
suivante, je continuai la fac sur ma lancée mais le cœur n'y était
plus. Je la quittai en cours de route, sans le moindre regret.
J'avais
appris tout ce qu'il y a à savoir concernant l'enseignement secondaire français.
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