à Sarah-Lane
*
Je sais que vous allez avoir
un choc, M. Goldwyn, mais depuis l'aube de l'humanité (ce qui
comprend des milliards et des milliards de gens), pas une
seule histoire ne s'est bien terminée.
Dorothy PARKER
1
Los
Angeles, dimanche 1er novembre 1936
Ma
chère Dottie,
je
t'écris en désespoir de cause, car je sais que seuls ton talent,
ton esprit et ton expérience peuvent me sauver ; ainsi que tes
contacts et.. que sais-je encore ?
Oh,
mon dieu ! Voilà que je me comporte comme la dernière des
petites arrivistes écervelées. Mais j'ai de bonnes raisons ;
figure-toi que l'un de nos rêves communs est à portée de main.
Je
m'explique : hier soir, à la fête chez Busby Berkeley (peu
après ton départ en doulce avec
Je-ne-sais-déjà-plus-son-nom-et-je-ne-crois-pas-que-ça-me-reviendra),
j'ai rencontré.. W. Horace Schmidlapp ! Mais si, voyons, ce
jeune producteur de Broadway. Il est ici en villégiature, dans un
but secret qu'il a fini par me confier, je vais te raconter comment.
Car
nous avons longuement discuté, M. Schmidlapp et moi, et il m'a donné
rendez-vous le lendemain matin (ce matin !) à son hôtel, et je
me suis dit, Lillian, ma fille, ça va faire comme d'habitude :
ce type va te promettre la lune, et une fois au pied de l'escabeau,
il n'y aura plus personne : Prenez ce paquet de promesses
parfumées et au revoir, madame !
Si
je t'en avais parlé auparavant, tu m'aurais dit de ne surtout pas y
aller ; sauf si je voulais m'offrir une partie de galipettes,
bien sûr (mais tu sais que tout va bien sur ce plan-là, avec
Dashiell). De fait, ça s'est passé très vite et je n'ai pas eu le
temps de réfléchir. Quoi qu'il en soit, il n'y avait rien à
craindre. Au petit matin (11 heures !), le monsieur était ravi
de me voir, il se souvenait de mon petit nom (Lillian !!), il se
rappelait que je cherchais à réaliser un film, et même que je
voulais faire un film "de femme, pour les femmes, à propos des
femmes" (Sans voix !!!)
Il
m'a donc "révélé" que son ambition réelle était de
devenir producteur de cinéma, qu'il était là pour "prospecter
et sentir l'ambiance", que son premier succès à Broadway lui
avait rapporté "assez" d'argent, et m'a proposé d'emblée
10.000 $ de mise de fond, avec en prime l'un de ses futurs
studios en guise de lieu de répétition secret.
Oui,
pour le premier film hollywoodien sur la condition féminine !
J'ai
mis toute la journée à m'en remettre.
Seulement
voilà : tu connais le bon vieux principe de réalité ; à
sept heures du soir, il (le principe, pas Schmidlapp - bon sang, quel
nom impossible à taper sur une machine à écrire !) le
principe de réalité, donc, est revenu au grand galop toquer à mon
crâne, et me voilà au pied du mur. Le hic majeur, c'est que je n'ai
qu'une semaine pour trouver le truc imparable qui convaincra ce cador
des planches avant qu'il ne retourne à New York, où la vie
trépidante l'absorbera de nouveau et lui flanquera des trous de
mémoire. D'ailleurs, il m'a bien précisé qu'ensuite, il se
consacrerait à d'autres choses ; il a une énorme comédie
musicale en cours de production, etc.
(Ah,
si seulement June Mathis n'était pas morte en 1927, on aurait pu
s'adresser à elle ! Quoique, je me demande si elle nous aurait
aidées, avec ses idées et ses goûts de luxe ; elle était
plutôt du genre à miser sur Rudolph Valentino ou Sessue Hayakawa..) Je
digresse ; en réalité, je suis trop contente.
Heureusement,
il ne s'agit pas d'écrire tout un scénario en cinq jours ;
seulement de trouver et rédiger le synopsis ébouriffant qui fera
chanceler le (futur) chancelier des studios. On le développera
ensuite. Le scénario, pas le chancelier ! (Ah, là, là !
Écrire sans brouillon, c'est comme faire la funambule fans filet. Flûte !)
Malheureusement,
mon voyage à Paris - où les membres du Bureau de la
Contemporary Historians, Inc. m'attendent pour soutenir The
Spanish Earth - a été avancé d'une semaine, pour cause
d'événements précipités en Espagne. Les Franquistes viennent de
mettre le siège devant Madrid et les Républicains ont commencé à
faire retraite sur Valence. C'est un coup dur pour eux. Bref,
je pars demain matin à l'aube et ne serai donc absolument pas
disponible pour écrire ce synopsis. Alors, j'espère que tu ne me
détesteras pas, ma chérie, mais je te confie cette lourde
responsabilité.
Fais-toi
plaisir. Couche sur le papier l'une de ces idées formidables dont tu
as le secret. Fais-en un chef-d'œuvre qui marquera notre époque de
son empreinte létale.
Lillian
Hellman
PS :
je dois présenter le synopsis à Horace Schmaldipp (zut ! je ne retrouve toujours pas le "corrector") dimanche 7 novembre, à 10 heures du matin. Je
serai rentrée de la veille, minuit, si tout va bien. Pourras-tu le
faire déposer chez moi avant ? Je le lirai dans mon lit.
Tu
seras un amour.
*
* *
2
Los
Angeles, samedi 6 novembre 1936,
si
tard qu'on est déjà dimanche
(on
dirait un couplet de chanson, tu ne crois pas ?)
Ma
"chère" Lillian,
Que
ferais-je sans toi ? Moi qui avais prévu de m'ennuyer toute la
semaine, en restant au chaud, chez moi, les pieds bien calés dans la
chaufferette, les mains coincées dans un manchon, le nez dans un
grog, et Je-ne-sais-plus-qui-moi-non-plus affairé sous la couette à
faire ce qu'il sait faire de mieux (non, ce n'est pas du tricot).
Au
lieu de quoi, grâce à ton initiative et à celle d'un ponte
ambitieux (pardon pour le pléonasme), j'en suis réduite à taper
sur ma machine à écrire et simultanément sur les parois de mon
crâne pour en extraire (que dis-je ? en extruder) une
IDÉE de film.
Si
je t'aimais moins que mon chien, ma Lil' chèrie, je t'aurais envoyée
paître sans autre forme de procès. Mais j'avoue que tu sais mieux
que personne diriger mon principal outil de travail. Et heureusement
que tu m'as fourni l'idée principale, sans quoi..
C'est
vrai, il y a longtemps que je parle de ce projet de "film de
femmes" sans m'y coller vraiment. Il faut dire que la chose
présente bon nombre d'ambiguïtés qu'il faudrait avant tout gommer.
Mon problème, c'est que j'essaie toujours de gommer avant
d'avoir dessiné.
Trève
de suspense, sache que je n'ai pas dormi depuis lundi (j'ai viré
Je-ne-savais-même-plus-son-nom mercredi, en prétextant être tombée
enceinte ; ce qui, pour quelqu'un qui a fait une fausse couche
et une tentative de suicide dans les trois derniers mois, est
particulièrement osé, tu le reconnaîtras ; Machin est parti
tellement vite qu'il n'a enfilé ses chaussettes qu'une fois dans
l'ascenseur !), j'ai fait passer à la trappe une demi-douzaine
de mondanités assommantes auxquelles j'aurais assisté de mauvaise
grâce (mais qui m'aurait valu autant d'inspirations pour des
articles ravageurs ; tant pis, tant mieux, ploum-ploum-tralala) et j'ai planché,
planché, planché comme une forçate.
Et
voilà le résultat. J'ai fait fructifier ton idée, qui a fait
office de graine luxuriante dans la jungle de mon cerveau (toujours
plus fertile que mon utérus). Il te suffira de piocher. Il va sans
dire que je me suis inspirée de ma vie et de quelques faits divers
glanés dans les journaux de province ; je serais bien en peine
de faire la différence, maintenant.
HISTOIRES
D'AMOURS INTERMINABLES
(ou :
Love à la French)
-film
à sketches-
Situation
de départ : une femme de 30 ans (actrice, danseuse ou
chanteuse ; appelons-la Lily) rencontre un
homme de 40 ans (romancier, journaliste ou librettiste d'opéra ;
baptisons-le Henry) ; c'est le coup de
foudre (immédiat, intense, déclaré, réciproque, bref :
incroyable et beau) ; lui est libre mais elle est mariée (à M.
Jaloux : Jim). En accessoire, on a aussi
Kim, blondasse inutile (donc parfaite).
A partir de ce
canevas ô combien classique (soupir !), j'ai tissé les trames
suivantes, que je t'invite à développer à l'envi, selon ton fameux
sens de l'improvisation, devant ton public composé de W. Horace
Squidlamp (et sans doute de sa secrétaire-maîtresse-petite
cousine).
Sans le faire
exprès, je crois qu'elles se sont d'elles-mêmes plus ou moins
classées par ordre croissant d'invraisemblance. A mon avis, la
première couvre à elle seule 75 % des cas de figures, mais
bon, je l'ai notée pour la forme.
*
1.
Personne ne change rien et rien ne se passe.
2.
Lily reste avec Jim mais prend Henry comme amant secret ;
triangle isocèle classique.
3.
Lily hésite à quitter Jim et finit par lui présenter Henry ;
ils couchent tous les trois ensemble : triangle équilatéral
moderne.
4.
Lily quitte Jim avec ménagement puis se met avec Henry ; Jim
déprime puis oublie Lily dans les bras de Kim.
5.
Lily quitte Jim mais sans le dire à Henry ; un an plus tard,
ils se croisent dans la rue ; elle ment à Henry, lui disant
qu'elle est toujours avec Jim. Ils boivent un café, puis se quittent
en promettant de se revoir ; ils mentent tous les deux.
6.
Lily persuade Jim de la laisser partir pour vivre avec Henry ;
contre toute attente, Jim accepte. Rien de grave n'arrive. Lily et
Henry vivent ensemble pendant sept ans puis se quittent, bons amis.
7.
Lily se soûle, couche avec Henry sous le nez de Jim, qui la largue
après l'avoir frappée ; le lendemain, Henry, dégoûté, ne
veut plus d'elle.
8a.
Lily pousse Jim à bout, afin qu'il la largue ; une fois libre,
elle rejoint Henry.
8b.
Lily pousse Jim dans les bras de Kim, afin d'avoir un alibi pour le
larguer ; une fois libre, elle rejoint Henry.
8c.
Lily pousse lentement Jim à bout, afin qu'il la largue ; une
fois libre, elle rejoint Henry. Mais entre-temps, Henry a épousé
Kim.
9a.
Henry fait une tentative de suicide ; effrayée, Lily s'accroche
à Jim toute sa vie et devient une femme acariâtre.
9b.
Henry fait une tentative de suicide ; effrayée, Lily quitte Jim
et rentre dans les ordres.
9c.
Henry fait une tentative de suicide ; effrayée, Lily quitte Jim
et rentre dans les ordres. Rapidement, Jim se met avec Kim, avec qui
il avait trompé Lily quelques fois.
10a.
Lily avoue à Jim son amour pour Henry ; Jim, se sentant trahi,
se tue ; Lily se met avec Henry, par peur de ce que celui-ci
pourrait faire.
10b.
Lily avoue à Jim son amour pour Henry ; Jim, se sentant trahi,
tue Lily ; de douleur, Henry se suicide. Jim va en taule,
bourrelé de remords.
10c.
Lily avoue à Jim son amour pour Henry ; Jim, se sentant trahi,
tue Lily, puis Henry ; Jim va en taule, sans le moindre remords.
10d.
Lily avoue à Jim son amour pour Henry ; Jim, se sentant trahi,
tue Lily, puis Henry ; puis il disparaît sans laisser de
traces.
10e.
Lily avoue à Jim son amour pour Henry ; Jim, se sentant trahi,
tue Lily ; Henry tue alors Jim puis se constitue prisonnier.
10f.
Lily avoue à Jim son amour pour Henry ; Jim, se sentant trahi,
tue Lily ; Henry tue alors Jim puis se suicide.
10g.
Lily avoue à Jim son amour pour Henry ; Jim, se sentant trahi,
tue Lily ; Henry tente de tuer Jim mais rate son coup et Jim le
tue.
11a.
Henry, désespéré, tue Lily, puis se suicide. Jim se console dans
les bras de Kim.
11b.
Henry, désespéré, tue Jim, puis se suicide sous les yeux de Lily ;
traumatisée, celle-ci finit sa vie dans un hôpital psychiatrique.
11c.
Henry, désespéré, tue Jim mais Lily, horrifiée, ne veut plus le
voir ; Henry se livre à la justice.
11d.
Henry, par dépit, tue sauvagement Kim puis se jette dans l'Hudson
River en sautant du ferry de Staten Island.
12a.
Lily, oppressée par Jim, le tue accidentellement et rejoint Henry ;
mais la police découvre tout. Lily passe cinq ans en prison ; à
sa sortie, Henry l'attend.
12b.
Lily, oppressée par Jim, le tue avec la complicité de Henry ;
crime parfait. Ils vivent ensemble, heureux mais coupables. Ils n'ont
jamais d'enfant.
12c.
Lily, oppressée par Jim et Henry, les envoie balader et devient
lesbienne (mais pas avec Kim).
12d.
Lily, oppressée par Jim et Henry, les envoie balader et devient
lesbienne (peut-être avec Kim) ; l'ayant appris, Jim et Henry
se mettent ensemble.
13a.
Lily tue Jim en faisant accuser Henry à sa place ; Henry va en
taule ; quand il en sort, dix ans plus tard, Lily l'attend.
13b.
Lily tue Henry en faisant accuser Jim à sa place ; Jim va en
taule ; quand il en sort, vingt ans plus tard, personne ne
l'attend.
13c.
Lily organise son propre suicide puis disparaît sans laisser de
traces.
13d.
Lily, déprimée et opprimée par les conventions sociales, se tue ;
Henry ne l'apprend jamais et croit qu'elle l'a simplement oubliée.
Dix ans plus tard, il croise Jim dans la rue et lui demande des
nouvelles de Lily ; Jim (qui a étranglé Kim la veille et
cherche un moyen de se débarrasser de son corps) ne lui répond pas.
14a.
Henry abandonne tout espoir de rencontrer l'âme-sœur et se met à
coucher avec n'importe qui ; un soir où il organise une
partouze chez lui, Lily, trempée par la pluie, débarque à
l'improviste ; elle s'enfuit, écœurée.
14b.
Henry abandonne tout espoir de rencontrer l'âme-sœur et se met à
coucher avec n'importe qui ; un soir où il organise une
partouze chez lui, Lily, les cheveux saupoudrés de neige, débarque
à l'improviste ; elle s'incruste, faisant semblant d'être
ravie.
14c.
Henry abandonne tout espoir de rencontrer l'âme-sœur et se met à
coucher avec n'importe qui ; un soir où il organise une
partouze chez lui, Lily, en sueur, débarque à l'improviste ;
elle s'incruste, ravie.
15a.
Lily décide de tout plaquer, part vivre à l'étranger, sombre dans
la déchéance, se prostitue ; un jour, elle couche avec Henry
sans le reconnaître. Il s'en va sans rien dire.
15b.
Lily décide de tout plaquer, part vivre à l'étranger, sombre dans
la déchéance, se prostitue ; un jour, elle couche avec Henry,
mais, au petit matin, l'appelle "Jim". Henry l'étrangle en
pleurant.
15c.
Lily décide de tout plaquer, part vivre à l'étranger, sombre dans
la misère ; un jour, elle couche avec Jim, mais, au petit
matin, l'appelle "Henry". Jim l'étrangle en grognant.
16a.
Henry persuade Kim de séduire Jim pour qu'il trompe Lily ; à
la suite de quoi, Lily largue Jim et tombe dans les bras de Henry.
16b.
Henry persuade Kim de séduire Jim pour qu'il trompe Lily ; à
la suite de quoi, Lily largue Jim et tombe dans les bras de Henry.
Mais elle finit par découvrir la vérité et largue Henry avec
pertes et fracas.
16c.
Henry persuade Kim de séduire Jim pour qu'il trompe Lily ; à
la suite de quoi, Lily largue Jim et décide de rester célibataire
toute sa vie.
16d.
Henry persuade Kim de séduire Jim pour qu'il trompe Lily ; à
la suite de quoi, Lily largue Jim et tombe dans les bras de Henry.
Elle finit par apprendre la vérité et se découvre un goût
prononcé pour la perversité. Lily et Henry deviennent un fameux
couple d'échangistes qui croquent dans toutes les pommes, même les
plus pourries.
17a.
En fait, Lily a inventé Jim pour dissuader Henry de la poursuivre.
Celui-ci ne s'en rend jamais compte et finit par oublier Lily. Plus
ou moins.
17b.
En fait, Lily a inventé Jim pour dissuader Henry de la poursuivre.
Celui-ci ne s'en rend jamais compte et finit par oublier Lily dans
les bras de Kim.
17c.
En fait, Lily a inventé Jim pour dissuader Henry de la poursuivre.
Celui-ci finit par s'en rendre compte et, fou de douleur, il tue Lily
puis se suicide.
17d.
En fait, Lily a inventé Jim pour dissuader Henry de la poursuivre.
Celui-ci finit par s'en rendre compte et, fou de douleur, il tue Lily
puis épouse Kim sur un coup de tête, en faisant son esclave à vie.
17e.
En fait, Lily a inventé Jim pour dissuader Henry de la poursuivre.
Celui-ci finit par s'en rendre compte et, pour éviter de devenir fou
de douleur, devient l'être le plus normal de la Terre.
17f.
En fait, Lily a inventé Jim pour dissuader Henry de la poursuivre.
Kim le lui apprend quarante ans plus tard, alors qu'il est à
l'article de la mort. Il hausse les épaules et tourne la tête vers
le mur.
18a.
Henry, déprimé, rompt le contact avec Lily et renonce à elle. Dix
ans plus tard, il reçoit un message d'une femme de 40 ans qui
cherche à le revoir. Il ne reconnaît pas Lily et l'envoie paître.
18b.
Henry, déprimé, rompt le contact avec Lily et renonce à elle. Dix
ans plus tard, il reçoit un message d'une femme de 40 ans qui
cherche à le revoir. Il se souvient parfaitement d'elle ; ils
ont vieilli mais le sentiment est toujours là. Ils vivent tout le
reste de leur vie ensemble et n'ont jamais d'enfant.
18c.
Henry, déprimé, rompt le contact avec Lily et renonce à elle. Dix
ans plus tard, il reçoit un message d'une femme de 40 ans qui
cherche à le revoir. Il se souvient parfaitement d'elle ; ils
ont vieilli mais le sentiment est toujours là. La première fois
qu'ils font l'amour, Lily tombe enceinte.
*
Voilà,
ma chère chérie, une bonne cinquantaine de scénarios potentiels.
Je suppose qu'il y a des centaines d'autres intrigues possibles, mais
ma cervelle est épuisée, ainsi que mes souvenirs. Je crois bien
avoir écumé là l'entière vie sextimentale (oh ! une faute de
frappe) de mes vingt dernières années. Et si j'en oublie, c'est que
ça n'en valait pas la peine.
Bonne
chance avec ton Horace Schwineclap (?) ; n'oublie pas de me
tenir au courant, mais surtout pas avant lundi midi, au bas mot !
La
vie étant affaire de choix, je dois maintenant soit faire l'amour
soit subir douze heures de migraine. Y a-t-il quelqu'un dans mes
placards ? Ohé ? Écho !
Je
hais les dimanches.
Dorothy
Parker
*
* *
3
Télégramme
de Mlle Lillian Hellman à M. Dashiell Hammett, Los Angeles, USA
Chéri,
catastrophe - ne peux rentrer à temps pour rendez-vous Schmidlapp -
réunion ici repoussée lundi matin - supplie Dottie d'y aller à ma
place - si elle rechigne, dis-lui qu'elle peut b***er avec si ça lui
chante - dira pas non, à mon avis - je t'adore - Lil
*
* *
4
Télégramme
de Dashiell Hammett à Lillian Hellman, Hôtel Georges V, Paris,
France
Dorothy morte -
barbituriques + veines ouvertes + gaz - trouvée par moi ce matin 9 h
- reviens - Dash