J'ai
décidé de récupérer l'intégralité des droits concernant mes
ouvrages, quels que soient l'état et le contenu des contrats qui me
"lient" à "mes" éditeurs. Certains de ces derniers
n'hésiteront pas à arguer que cette récupération n'est pas
valide, voire illégale ou illégitime. Plus probablement, ils
réagiront à leur manière habituelle, c'est-à-dire par une
indifférence calculée. Non seulement je suis prêt à discuter de
cette validité dans un tribunal mais j'estime que la question vient
précisément de là : le contrat en était-il bien un ? Le
papier que j'ai signé parce qu'on ne me proposait rien d'autre
avait-il le sens d'un contrat véritable ? Son égalité de
principe (telle qu'elle est stipulée par l'article 132-1 du Code de
la Propriété intellectuelle) a-t-elle été respectée dans ses
termes par l'autre partie ?
J'estime
que la réponse à ces trois questions est la même : non.
Afin
d'éclairer mes propos, je vais détailler les raisons de cette
rupture totale et irréversible.
-
Le Peuple de Mü : la rupture a été "négociée"
avec l'éditeur Davy Athuil ; la cause est la suivante : sous
prétexte qu'il a été arnaqué par son diffuseur SoBook en 2015
(après une défection technique, en 2014, de son premier diffuseur
Sodis, défection plus que douteuse, puisque ce diffuseur n'a tout bonnement pas
daigné faire son travail), Davy Athuil a soudain cessé toute communication,
me laissant dans le flou complet quant à nos nombreux projets en
cours (ajoutons à cela six mois de retard dans le versement de mes
droits 2015, versement qui a été effectué sans m'en informer le
moins du monde). Cette attitude puérile et irresponsable ne permet
pas une collaboration sereine et mutuellement profitable (ce qui est,
il faut le rappeller, le but de tout contrat). Le Tome 2 des
Vicariants est sorti le 23 novembre sans que j'en aie été informé ;
et je ne sais rien du volume 2+1, une application numérique censée
avoir reçu une subvention, dont je ne verrai peut-être jamais la
couleur. A l'heure où j'écris ces lignes, je n'ai toujours pas reçu mes 5 exemplaires de complaisance.
Comme prévu dans ce cas, j'ai repris les droits de la
collection Adynata, tout en laissant à l'auteur Sonia Quémener le
choix de me suivre ou de rester au PdM.
-
actuSF : alors qu'il déclarait (dans l'une de ses rares et
fort irrégulières redditions de compte) avoir encore une cinquantaine
d'exemplaires de mon roman La Digitale (publié en 2010) en
stock, l'éditeur Jérôme Vincent a déclaré sur son site de ventes
que ledit roman était épuisé. Pire encore : alors que
celui-ci s'était bien vendu (370 ex. sur 500 en deux ans), l'individu Vincent a
refusé de procéder à une ré-édition, reléguant de fait le livre
à l'oubli. Lorsque je lui ai signifié, en 2014, que je comptais
récupérer mes droits suite à son incompétence et son iniquité, il a joué les grands incompris, voire les princes bafoués. Dans
l'incapacité de s'étouffer avec sa mauvaise foi (c'est d'ailleurs à
ça qu'on la reconnaît : elle n'étouffe que ceux qui la
subissent, pas ceux qui la sécrètent), il a condescendu à me
laisser récupérer mes droits. Son avis en la matière n'avait en fait aucun intérêt. Il était hors de question qu'un éditeur
aussi incompétent et irrespectueux maintienne La Digitale aux
oubliettes décrétées par son irresponsabilité crasse.
Depuis,
plus aucun de mes livres n'est diffusé en librairie, et je sais de source sûre qu'il offre des
exemplaires de La Digitale.
-
L'Aube : le cas de ce pseudo-éditeur en sciences sociales est
encore plus caricatural que le précédent. Fondé par un
universitaire qui voulait être sûr de voir ses écrits publiés (le
rejet pousse à tous les désespoirs), la publication des Désamants
chez cette maison est le résultat d'un concours de circonstances.
Héléna Demirdjian, ma co-auteur, a été en effet recommandée auprès de cette
maison par l'un de ses enseignants, personnalité littéraire (Gérard Chaliand)
nationalement reconnue. Dès les premiers e-mails concernant la négociation du
contrat, j'ai su qu'il y aurait des problèmes. Il y eut les menaces
plus ou moins voilées, le mépris à peine déguisé, et la
condescendance plus ou moins appuyée.. bref, le lot habituel de la
communication éditeurs-auteurs quand l'éditeur se prend pour le patron.
Si
l'ouvrage lui-même a été bien conçu (encore que nous n'ayions rien eu à dire sur la couverture, qui nous a été imposée sans la moindre concertation), il n'a pas été promu par
l'éditeur, comme le contrat l'y oblige. L'unique séance de signatures au
Cultura de Marseille a été qualifiée de semi-fiasco par la
stagiaire âgée de 20 ans qui l'a organisée (ce qui prouve que certaines personnes,
bien que littéraires, confondent le sens de la litote et celui de
l'ironie). Pire encore, je n'ai jamais reçu la moindre reddition de
comptes ; chacun de ces points constitue une violation flagrante
des engagements de l'éditeur.
En
l'occurrence, il n'est pas nécessaire d'envoyer une mise en demeure
à cet éditeur aussi virtuel que véreux. Sa défec(a)tion est totale.
-
L'Atalante : le sujet le plus triste et le plus complexe de ce
"dossier". Mon seul livre chez eux, La Bibliothèque nomédienne, est un
collectif. Je ne peux donc décider pour les six autres auteurs, qui
ont plus ou moins disparu dans les limbes d'internet (à l'exception
de Marc Vassart, si totalement dégoûté par ses rapports avec des
éditeurs qu'il a totalement cessé de chercher à être édité, ce
qui prive le public de son chef-d'oeuvre en frîche De terre et de
mer inconnues..)
L'affaire
est d'autant plus pitoyable que la phase d'élaboration du livre
s'est déroulée comme en rêve (en plus du fait que L'Atalante est
l'un des deux seuls éditeurs à m'avoir payé décemment). Les
choses n'ont commencé à se gâter que trois mois après la sortie
du livre en septembre 2008. Alors que Mireille Rivalland et un
représentant du diffuseur Harmonia Mundi m'avaient promis (en
présence de Pierre Michaux, éditeur, et de Soledad Otone, responsable de diffusion) que le livre serait promu et diffusé
pendant une année complète, étant donné son atypisme et sa forme
spéciale, il fut en réalité retiré des rayons de librairie dès
le mois de janvier 2009. Un libraire à qui j'en faisais la remarque
m'a dit en souriant : "Eh oui! Il fallait bien faire
de la place aux merdes de Bragelonne." Que cette décision ait
été pris par des responsables d'Harmonia Mundi (un
diffuseur qui pratique l'ingérence dans les ouvrages des éditeurs
qu'il diffuse) m'importe peu ; que l'Atalante ait changé de
diffuseur par la suite (sans pour autant m'en avertir) est tout à
leur honneur ; mais ils n'ont pas donné de seconde chance à La
Bibliothèque nomédienne. Ils ne l'ont pas non plus sortie en poche, promesse pourtant
faite par Mireille Rivalland en mars 2009, seule communication
qu'elle a daigné m'adresser depuis la sortie du livre.
Ils
n'ont plus rien fait.
Je
mentionnerai aussi leurs redditions de comptes, si incompréhensibles
et changeantes qu'à ce jour, je ne sais toujours pas combien
d'exemplaires ont été fabriqués à l'origine, bien que j'aie posé
la question à plusieurs reprises. Le savent-ils eux-mêmes ? Au
moins me payent-ils (encore qu'irrégulièrement et avec trois ans de
retard) les droits SOFIA liés aux emprunts en bibliothèques. Ils
sont les seuls à le faire.
Je
ne m'attarderai pas sur les éditeurs de mes traductions. Le risible
Au Diable vauvert (qui publient des traductions contenant plus de 15.000 fautes et les ré-éditent telles quelles) et La lamentable Volte (qui croient qu'une traduction est un ouvrage collectif), qui envoient au petit
bonheur la chance des redditions de compte minimalistes, me
redemandent régulièrement une adresse qui n'a pas changé, se
fendant ainsi d'une obligation légale à bon compte, pour ne pas dire à bonne conscience.. si ce terme a du sens pour eux.
Passons aussi sur les divers "éditeurs" numériques nés dans
les années 2010, dont les contrats oscillent de l'improbable à
l'absurde en passant par l'inepte, l'imbitable et le franchement
débile. Ils mourront de leur petite mort et laisseront la place à
d'autres, tout aussi inconséquents. Trouver un éditeur compétent, respectueux et responsable est devenu aussi vain que de tomber sur un fonctionnaire prêt à aider un contribuable plutôt que de l'enfoncer dans la merde.
L'accumulation
intolérable de toutes ces raisons aussi puériles que minables ont
fini par réduire ma patience en charpie. Traiter avec un éditeur aujourd'hui est aussi éreintant que voué à l'échec. Pire encore : l'issue
la plus courante est qu'à force de fréquenter d'autres éditeurs, il
deviendra fatalement comme eux. C'est "normal", direz-vous : lui
aussi veut survivre ; il apprend donc auprès de ceux qui ont
survécu et cherche à leur ressembler pour ne pas leur faire peur.
Il oublie, ce faisant, que la principale raison pour laquelle eux ont
survécu, c'est qu'ils ont fait le ménage autour d'eux et ont fait
plier les dissidents, détruisant leur originalité.
A
vrai dire, après coup, je me suis aperçu que l'éditeur Davy Athuil
a commencé à développer des réflexes de mauvais éditeur peu de
temps après avoir rencontré Jérôme Vincent, éditeur d'actuSF.
Coïncidence ? Je n'y crois pas.
D'où
mon conseil aux auteurs en herbe qui veulent absolument être édités
à compte d'éditeur, estimant que c'est encore le graal de
l'écrivain du XXIe siècle : quitte à passer entre les pattes
d'un éditeur classique (qu'il fasse dans le numérique, le papier ou
les deux, same difference..), cueillez-le dans les deux
premières années de son existence. Ensuite, il sera trop tard. Soit
vous lui rapporterez assez de fric pour absorber la fabrication de
vos livres et il vous respectera uniquement pour cela, soit ce ne sera pas le
cas et vous serez catalogué/e "auteur (génial mais) difficile" ; alors il vous rejettera sans ménagement (s'il a une once de courage) ou
il vous négligera jusqu'à l'oubli (s'il est lâche, comme tout le monde).
De
tout ceci et de quelques autres choses (que j'ai détaillées dans le
pamphlet Il était une mauvaise foi, qu'un éditeur voulait
éditer mais qui, après avoir tergiversé pendant plus de deux ans, a.. disparu), il découle que "mes" éditeurs, de par leur
négligence, leur incompétence, leur iniquité, leur malhonnêteté,
leur irrespect, leur stupidité ou n'importe quelle combinaison
d'autres "qualités" humaines, ont tous forclos leurs
droits de m'exploiter, moi et mes travaux ; que ce soit de mon
vivant ou après ma mort. Seuls mes amis ou ma famille auront le
droit d'exploiter mes travaux après mon décès.
Dans
les mois qui viennent, ces travaux seront donc peu à peu mis en ligne,
au format numérique tout d'abord (plus tard, papier, si mes moyens
me le permettent et si je trouve un imprimeur honnête) sous l'égide
d'ADYNATA, une coopérative informelle d'auteurs désireux de se
passer d'éditeurs. J'invite donc d'autres auteurs, déçus (le mot
est faible, dans ces circonstances) par "leurs" éditeurs,
à rejoindre la coopérative.
Pour
l'heure (2017), il ne s'agira que d'une appellation non contrôlée,
un signe de reconnaissance sans le moindre engagement. Si, d'ici
2018, les choses se mettent en place à la satisfaction de tous, nous
nous réunirons pour réfléchir à une forme plus large, efficace et
pérenne, en tout cas, une forme qui n'aura rien à voir avec une
maison d'édition classique, c'est-à-dire née dans la bourgeoisie
XIXe et défendue par un système juridique obsolète et profondément inique.