dimanche 9 novembre 2014

De l'éclosion de la conscience et de ses défaillances occasionnelles..

Cerveau de scientifique exténué.
John C. Eccles était un neurologue (australien, puis britannique, puis suisse) qui a écrit plein de livres scientifiques, avec des schémas, des formules biochimiques et des mots longs comme le bras ; dans l'un d'eux (Évolution du cerveau et création de la conscience), il a tenté de découvrir à quoi est due la conscience humaine. Il y raconte comment il a passé presque toute sa vie à se demander comment il est possible que l'homme réfléchisse plutôt que de se contenter de suivre ses instincts.
Pendant trois cents pages, il décortique des cerveaux (humains et animaux) et fouille, farfouille, soulève, analyse, prend des notes, calcule, compare, pèse, soupèse, relit ses notes, ajoute des produits, IRMise, découpe, humecte, dissèque, insère sous un microscope, cite des collègues, en critique quelques-uns, en encense d'autres (pas beaucoup), continue à chercher, se réveille en sursaut, vérifie, est déçu, garde le moral, ne part jamais en vacances (apparemment), ne cite pas une seule fois les travaux de Henri Laborit (entre chrétiens, pourtant, ils devraient s'aimer comme eux-mêmes), n'a pas de vie de famille (ou alors elle reste soigneusement à la maison ; ah si, j'ai vérifié, il - enfin, sa femme ! - a eu neuf enfants), continue de chercher, reçoit des médailles, se fait adouber, change de titre, de pays, regarde la retraite approcher, décide de faire le bilan de sa vie de recherches, le rédige à la sueur de son front et de celles de ses assistants, relit son manuscrit, exténué mais exalté, pour finalement conclure que l'origine de la conscience humaine ne peut être que...
divine !
Vous ne me croyez pas ? Vous l'aurez voulu. Je cite (p. 317 de l'édition Champs/Flammarion) :
« Puisque les solutions matéralistes sont incapables d'expliquer notre expérience d'unicité, je me sens contraint d'attribuer l'unicité du moi (ou de l'âme) à une création spirituelle d'ordre surnaturel. Pour m'exprimer en termes théologiques : chaque âme est une création divine nouvelle implantée dans le fœtus à un moment compris entre la conception et la naissance. C'est la certitude de l'existence d'un noyau intérieur d'individualité unique (figure 9.5) qui rend nécessaire l'idée de cette "création divine". Je prétends qu'aucune autre explication ne tient. [...] Cette conclusion est d'une importance théologique inestimable. Elle renforce notre foi en l'âme humaine et en son origine miraculeuse par création divine. Ainsi, il existe non seulement un Dieu transcendant, créateur de l'Univers, le Dieu d'Einstein, mais aussi un Dieu aimant à qui nous devons notre être. [...Cette foi est] proche de la mienne, que j'étendrais personnellement à toutes les religions évoluées. »
Je ne m'étendrai pas, personnellement, sur les inepties (le "Dieu d'Einstein" !), l'absence totale de logique voire de raison, les insinuations racistes et condescendantes (les religions "évoluées") qui exsudent de cette conclusion pour le moins peu nietszchéenne. Ces mots ont été publiés en 1989 1 et non au moyen âge comme on pourrait le croire au premier abord.
En d'autres termes, et pour vous la refaire au ralenti : selon le Dr Eccles, éminent neurologue, sommité mondiale (je n'ai pas dit "mondialisée") en la matière (grise), chercheur (et géniteur) infatigable, etc., ce qui est à l'origine de la spécifité humaine par rapport aux autres créatures vivantes, c'est... Dieu ; et pas n'importe lequel, le Dieu des chrétiens qui, seuls, ont droit au paradis, les autres ayant celui d'aller crever en enfer (ou n'importe où, du moment que ce n'est pas dans le jardin du noble monsieur, en Suisse). Avec le corollaire qu'un fœtus a bien une âme, mon brave, cela dit pour que sa fem... pardon: pour que tout le monde sache bien de quel côté du débat sur la contraception le Dr Eccles se situe.
Cerise sur le gâteau : savez-vous ce qu'on lui a donné, pour avoir ainsi avoué qu'il avait passé sa vie à chercher une chose (la cause de la conscience biologique) sans l'avoir trouvée ? Le prix Nobel de physiologie et de médecine. Ouais ! Et il n'a pas remboursé un cent australien, ni le moindre penny (encore moins un centime suisse) de toutes les subventions qu'il a touchées pour... ça.
Comme quoi, la blouse de labo, c'est un peu comme la tonsure, la cravate ou le képi : ça a de terribles conséquences sur la circulation du sang, donc sur l'afflux d'intelligence au cerveau. Dommage que personne n'étudie ce phénomène-là. A mon avis, ça ferait tomber pas mal de têtes... de cons.
Allez, si vous voulez apprendre des choses intéressantes et intelligentes sur l'esprit humain, lisez n'importe quel ouvrage d'Oliver Sacks ; ça sera toujours ça que les Suisses n'auront pas.
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1Et en 1992 en France, traduits par Jean-Mathieu Luccioni, éditions Arthème Fayard.

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