lundi 1 octobre 2012

Survivre au soleil

Soul pleureur





Par une belle après-midi de printemps, sur le Prado à Marseille, j'ai croisé une vieille femme, une terriblement décrépite et usée vieille vieille femme, comme seule la misère la plus poisseuse sait les fabriquer, une de ces femmes pauvres au-delà de toute expression, une femme que la société roule et triture entre les doigts gras et sans pitié de sa structure imparfaite qui hurle sa prétendue beauté pour ne pas entendre les cris de ceux qui grouillent de faim. Elle avait, cette femme, les jambes de la mort qui lui pendaient aux épaules, et toute une rangée de dents jaunes ricanaient sur son bonnet raide de crasse.

Elle ne marchait pas ; elle ne marchait plus. Dans son poing gauche, il y avait un parapluie déglingué couleur de plaie infectée. Dans sa main droite, il n'y avait rien. Il y avait eu auparavant un sac de plastique gonflé de mille trucs invisibles dont une marmaille orpheline n'aurait pas voulu pour meubler un terrain vague. Les yeux de la vieille étaient posés sur le sac comme des allumettes déjà brûlées qu'un aveugle continuerait à frotter, pour se réchauffer à leur bruit. Le sac collait à la terre avec la gravité d'une enclume. La vieille vacillait parfois en avant mais revenait en arrière, parce que le sac ne bougeait pas, il ne montait pas dans sa main, il ne faisait rien. Il restait sac, obstinément.
Je faillis faire un pas dans sa direction, l'aider à porter son sac.
Pour aller où ?

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