dimanche 31 mars 2013

L'INCONSTANCE DE L'ESPECE, de Judith Schalansky


Photo DR

Le premier roman de Judith Schalansky vient de paraître.
Je m'en suis donc emparé, afin de m'en parer le cerveau.
Il y a quelques années, JS a fait sensation avec l'Atlas des Îles abandonnées. Un beau livre, original, gonflé, bien fait, prometteur, plein d'idées, ambitieux.
L'Inconstance de l'espèce aurait dû se traduire par Le cou de la girafe. Sur la couverture, on voit une autruche. Certes, il y a des autruches dans le roman. Il y en avait aussi dans The lonely polygamist, de Brady Udall (Le polygame solitaire; une histoire de mormons), mais c'est à peu près le seul point commun. En tout cas, ça n'explique pas pourquoi l'éditeur français a mis une autruche au lieu d'une girafe. Ni pourquoi ils ont collé un titre qui fait plus "sérieux". Pour attirer les enseignants en biologie, peut-être?

Ce premier roman de Judith Schalansky m'a laissé perplexe. Je n'ai pas été enthousiasmé; mais je l'ai lu jusqu'au bout (contrairement à d'autres - Somoza, Zafron, Franzen, pour ne citer que des noms contenant la lettre Z). Pourtant, le style de l'écriture correspond exactement à tout ce que je déteste: phrases ultra-courtes, pas articulées, verbes rares... On dirait des bouts de lettres déchirées, ramassés dans une corbeille et étalés sur une table dans le but de reconstituer une correspondance. Ou de faire un puzzle sub-réaliste.
L'héroïne? Elle est horrible. Impossible de s'identifier à elle. Une enseignante en biologie, dans un lycée mourant de Poméranie (paumée-ranie, plutôt) après la réunification des deux Allemagnes. En pénurie d'élèves, qui se cassent à l'ouest. Vieille; conservatrice; bornée. S'obstine malgré tout à transmettre son savoir. A essayer, du moins. Qu'est-ce que ça peut leur faire, aux 13 élèves qui lui restent, les théories de la biologie communiste moderne? Dans un an, ils seront ailleurs.
Et puis, il n'y a pas vraiment d'action, dans ce livre. Que s'y passe-t-il, finalement? Le temps y est épais, brumeux, froid; il s'écoule mal. Les tuyaux sont bouchés. Comme l'avenir. Seulement celui de l'Allemagne, ou celui de toute l'Europe? De l'Occident?
A-t-elle voulu permettre au lecteur de se mettre dans la peau d'un esprit suranné, comme le LSD était censé permettre aux gentils psychiatres de se mettre dans la peau hallucinatoire des schizophrènes? Je ne sais pas. En tout cas, elle ne fait pas envie, cette peau-là. Trop étriquée. Flétrie. Malodorante.
Exercice étrange, difficile, risqué. Pari relevé, certes, mais les juges se sont barrés avant le résultat du concours. Perplexe, donc, je suis. Moins impressionné que par les ouvrages de sa compatriote et contemporaine la très excellente Juli Zeh (mais celle-ci est née en Allemagne de l'ouest, et moi, je suis né à l'ouest de l'Allemagne ; peut-être que ça aide).

Attendons vivement le prochain.

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