jeudi 27 décembre 2012

Le CAPITAL de Costa-Gavras


 Affiche Le Capital

Costa-Gavras est une légende vivante du cinéma, l'une des dernières. Il a commencé comme assistant-réalisateur de HG Clouzot sur L'enfer, le film "au budget illimité", inachevé en 1963. C'est dire s'il a connu des gens mythiques et des secrets innombrables. C'est dire si certains attendent avec impatience ses mémoires... ou avec crainte.
Je ne reviendrai pas sur sa filmographie pleine de chefs-d'oeuvre, notamment de films destinés à ouvrir l'esprit et la conscience politique de ceux qui aiment se laisser bercer d'illusions. Avec l'âge, bien sûr, le rebelle s'est calmé ; par exemple, pour obtenir l'autorisation de filmer Amen au Vatican même, il a bien fallu atermoyer et minimiser la complicité de l'Eglise catholique et romaine dans l'Holocauste. C'était fatal.
Le Couperet était intéressant, voire incisif, mais n'accusait personne, sinon la conjoncture. Et puis, à la base, c'était un polar, pas un livre politique. Heureusement, José Garcia y était au mieux de sa forme.

The TELEPORTATION ACCIDENT, roman de Ned Beauman



Photo DR
THE TELEPORTATION ACCIDENT
de Ned Beauman (Sceptre, 2012)

Quand on est décorateur dans le monde du théâtre berlinois à la fin des folles années 1920, on n'a guère le choix : soit on est un ami de Bertolt Brecht, soit on n'est l'ami de personne. Egon Loeser, lui, n'admire que le précurseur Adriano Lavicini – concurrent du génial Torrelli en son temps, le XVIIe siècle – mais surtout pas Brecht. D'ailleurs, il ne comprend rien à ses pièces. Les seules choses qui intéressent Loeser sont : 1/ comment reproduire (et améliorer) la "Machine à Téléportation" que Lavicini avait conçue pour Le Prince Lézard, spectacle à la fin duquel lui et vingt-quatre personnes avaient trouvé la mort dans la destruction du fameux Théâtre des Encornets ; et 2/ comment convaincre la jeune et délicieuse Adèle de coucher avec lui (entre autres).
Apolitique et imperméable au monde qui l'entoure, Egon Loeser suivra l'acide Adèle à Paris d'abord, puis à Los Angeles, navigant dans les milieux interlopes de l'astrophysique, du cinéma hollywoodien et de l'émigration juive allemande, le tout sans jamais absorber la plus petite parcelle de conscience politique. D'ailleurs, le fait que la jeune femme qu'il poursuit de ses assiduités s'appelle Hitler n'a absolument aucune influence sur son désir.

dimanche 16 décembre 2012

Un journaliste assumant


Comme on le sait, la vie est faite de hasards, de coïncidences, de rencontres, signifiantes ou non, selon le tempérament de chacun et (peut-être) l'état d'esprit au moment où on les vit. Les miennes, de coïncidences, ont souvent tendance à tourner en eau de boudin à plus ou moins longue échéance. En voici une, assez complexe, qui a entraîné de nombreuses conséquences, pas très agréables, mais d'autant plus édifiantes.
Quelque part en mars 2003, un journaliste a fait un papier sur moi, qui a paru dans l'édition locale d'un canard régional. Ledit journaliste m'avait contacté par téléphone, ayant obtenu mon numéro par l'intermédiaire du directeur du théâtre où je suivais des cours hebdomadaires. Il m'y avait vu plusieurs fois, avait entendu parler de mon initiative (les Epistoleros, un "commando-poésie" qui devait officier pendant la semaine du Printemps des Poètes dans les rues d'Aix) et voulait m'interroger à ce sujet, voire faire un portrait, si on lui en accordait la place.

mercredi 12 décembre 2012

Alwin Nicolaïs et le Spectre du Communisme

Photo DR


Alwin Nicolaïs
ou
chronique du communisme spectral et de l'incompatibilité réputée de l'art et de la politique




Quand je vois un film américain datant de la "guerre froide", je suis toujours amusé par les réactions de vertueux personnages confrontés au "spectre" du communisme. Cela va de "Oh, mon dieu !" à "Salauds de rouges ! On les aura !" en passant par un crachat, une pâmoison, voire une simple grimace de dégoût. En tout cas, jamais le bon Américain ne manque de réagir vivement. Il y a quelques années, en me rendant à une soirée dont je n'attendais rien de particulier, j'eus la chance de vivre deux expériences hors-normes en quelques heures.

dimanche 9 décembre 2012

Le Mensonge de Pippo del Bono & Souvenirs théâtraux



J'ai plein de souvenirs liés au merveilleux monde du théâtre ; beaucoup, et de divers ordres. Du bon, du moins bon, du pas si pire, du grave, du mauvais, du mitigé, du je-sais-pas-trop, et du faut-voir autant que du j'ai-rien-compris. J'ai vu des centaines de spectacles, participé à une douzaine, dont trois que j'ai écrits, un que j'ai co-écrit, un de quelqu'un d'autre que j'ai mis en scène. J'ai vu quelques grands hommes et femmes, seuls sur scène, l'emplissant de leur présence parfaite, prouvant que le charisme et l'autorité sont des armes redoutables, qu'il faudrait retirer à certains individus qui s'en servent comme des manches ou à des fins un peu trop personnelles (je ne citerai personne ; la politique ne m'intéresse plus depuis que j'ai vu un "grand" acteur – M. Michel Blanc – déclarer en direct, avec des trémolos d'effroi dans la gorge, que la politique est une affaire de professionnels, et que lui, humble et simple comédien, ne pouvait se permettre de porter un jugement sur ce domaine. Quelques années plus tard, il interprétait magistralement un chef de cabinet ministériel tourne-casaque dans L'exercice de l'Etat ; avais-je mal compris son intervention ? Peut-être a-t-il changé d'avis).

samedi 10 novembre 2012

PAUVRE DEMOCRASSEUSE!

Toujours en chantier...


« PAUVRE, PAUVRE DÉMOCRASSEUSE !1 »

Fin 2010, une amie biblio (aussi -phile que -thécaire), soucieuse de ma santé morale, me conseilla d'adhérer à une association d'écrivains. Puisque j'étais isolé (c'est-à-dire sans alliés), une bonne solution était, selon elle, d'intégrer un groupe déjà actif. Son argument n'était ni faux ni idiot, et je voulus lui faire plaisir autant qu'essayer. La réalité et son principe bien connu allaient me faire miroiter des alouettes pendant à peu près six mois.
(Zut ! J'ai cassé le suspens. – Non, vraiment, tu crois ?)
Après avoir farfouillé le bordel inextricable qu'est la Toile, je jetai mon dévolu sur l'association ADA (Autour des Auteurs) qui regroupe une centaine d'auteurs résidents en Languedoc-Roussillon et publiés au moins une fois à compte d'éditeur, critères auxquels je correspondais. Je pris contact par Internet, reçus une réponse rapide et encourageante, vins assister à une première réunion, où je rencontrai des frères et sœurs de plume, dotés de cerveaux apparemment en état de marche (en tout cas, plus que la moyenne du client lambda que l'on croise "chez" Cultura, par exemple). A vrai dire, il y en avait un ou deux que je connaissais déjà ; c'était encore mieux. Encore que : pourquoi ne m'avaient-ils jamais invité à les rejoindre chez ADA ? Distraction, sans doute. Ou bien parce que, comme disait Arthur Kœstler (qui n'a pas connu Internet, le pauvre) : « L'information aujourd'hui n'est pas un privilège, c'est une inquiétude ». Traduction (pour les geeks) : si t'as Internet, t'es censé savoir tout ce que tu devrais connaître, sinon t'es qu'un gros nul.
(C'est logique, ça ? – Passons.)

mardi 6 novembre 2012

CLEVELAND / WALL STREET : le verdict des mots cratiques

Photo DR
film documentaire de Jean-Stéphane Bron (2010)

Étrange démarche que celle de ce "procès pour de rire" fait comme un vrai, donc pas drôle du tout. Il m'a fallu un moment pour remarquer le seul détail qui, dans le prétoire, trahit la facticité (disons, l'invalidité juridique) du procès : tout simplement l'absence de greffier. Personne, en effet, n'y prend les débats en notes ; ce qui est normal, puisque ceux-ci sont enregistrés par les caméras qui justifient le film.
C'est donc un vrai-faux procès, où "les" banques (virtuelles) qui ont provoqué la crise des subprimes en 2008 sont accusées par la ville de Cleveland (sévèrement touchée par ladite crise) d'avoir abusé de la crédulité des habitants en les persuadant de contracter des emprunts à tiroirs qu'ils n'avaient aucune chance de pouvoir rembourser. Pour simplifier, un seul avocat (mais c'est un vrai) représente toutes les banques.

vendredi 26 octobre 2012

FLICAILLE ou RACAILLE? le retour



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Passe ta BAC d'abord !


Un soir, assez tard, je décide (sans raison particulière ; pour changer de la routine, disons) de rentrer chez moi par les petites routes plutôt que par ce stupide périphérique avec son interminable chapelet de ronds-points à feux, où tu poireautes pendant des heures sans qu'aucune bagnole ne passe jamais, à part bien sûr, la traditionnelle poignée de blaireaux engoncés dans une 205 GT qui fonce à 110, parce que "plus tu va vite, putain, plus t'as de chances que y a personne!"
Au moment de sortir de la ville, j'aperçois dans mon rétroviseur central une voiture qui roule tous feux éteints. De deux choses l'une: ou c'est un crétin d'ivrogne qui a oublié d'allumer ses feux (auquel cas, il est plus prudent de me ranger pour le laisser passer) ; ou ce sont des flics qui croient que je ne les verrai pas. La troisième hypothèse (que ce soient des truands qui veulent me faire la peau) est nettement moins probable.

lundi 22 octobre 2012

Fleur de Guillotine : un parfum d'avenir ?




Un jour, quand j'avais 24 ans, j'ai eu besoin de trouver du travail. Un emploi. Une job, comme disent nos cousins les Québécois. Comme tous les gens qui n'ont pas de qualification particulière, j'étais cantonné (condamné ?) aux boulots alimentaires, donc dans l'alimentaire ; bref, serveur ou plongeur.
Assez vite, je trouvais une proposition dans une brasserie en bord-de-mer, où l'on me proposa de faire un bout d'essai. La société s'appelait quelque chose comme G2Q (en réalité, j'ai oublié l'acronyme exacte, mais c'était un peu ridicule ; il y avait un jeu de mots laids qui s'y cachait, certainement sans que les fondateurs de la boîte s'en fussent aperçus). Mon interlocuteur téléphonique, tout fier et content, m'expliqua que sa société comptait pour l'instant un seul établissement mais, face à leur succès, allait en ouvrir un second. Ils en cherchaient le futur personnel.

lundi 15 octobre 2012

L'Europe des Bouze

Photo D.R.



C'était en 1990 ; l'Europe était encore divisée. Je bullais dans un stage de formation aussi flou que le projet européen. Un intervenant vint nous causer pendant deux heures de la future Europe. Il portait la quarantaine, le costume trois-pièces avec cravate assortie de rigueur, était chauve, moustachu et ventripotent. Il présenta des cartes dont Jean-Christophe Victor aurait eu honte, des diagrammes qui auraient fait marrer Normand Baillargeon, et cita maints grands hommes dont je n'avais jamais entendu parler. Il n'avait rien à faire dans une formation professionnelle mais le faisait très bien. On sentait qu'il avait réussi à vendre sa sauce en noyant le poisson.

lundi 8 octobre 2012

Ceci n'est pas une publicité pour bagnole

Publicité authentique, D.R.



Je roulai. Sur une route. Dans une voiture poussive. Une Renault.
Ça sentait bon les vacances. D'ailleurs, la route était celle du Soleil, quelque part entre la Grande-Motte et Palavas-les-Flots ; bref, entre une chaleur à fondre le beurre et le zonzon des moustiques. Il y avait autant de nuages dans le ciel que sous mon crâne. La foule des touristes était puissamment absente. Tout allait bien ; c'était Byzance.

dimanche 7 octobre 2012

FLICAILLE ou RACAILLE?

Patrouille de sécurité du Capitole
Depuis les années Chirac, la télévision française est envahie, empoisonnée, vérolée de séries bien françaises montrant des gentils flics héroïques, compétents, bien français, voire presque humains. Pendant les années Sarkostazi, cette épidémie a connu son apogée ; il fallait bien inciter les chômeurs et les chômeuses à entrer dans la police pour justifier le "besoin" de sécurité des bourgeois enchaînés à leur télévision. Cela s'appelle un cercle vicieux ; c'est une technique bien rodée qui fonctionne vachement bien depuis l'aube du pouvoir.
Aujourd'hui que nous sommes de "gauche" (je veux dire, officiellement ; 'faut pas trop en demander), on a enfin le droit de dire (et même de prouver à l'occasion ; pour ce qui est de condamner, c'est plus rare et plus risqué) que les flics peuvent être pourris, salauds, dégueulasses, cons, morveux... bref : malhonnêtes. Je vais donc raconter quelques exemples vécus dans la vie réelle au cours de ces 17 années noires.

Au fait, vous savez ce que signifie le mot "police" ?
Pouvoir Occulte Lié Inopinément au Chef de l'Etat.
Ce qui explique pas mal de choses...

ANNONCE : N'hésitez pas à envoyer vos témoignages du même acabit. La rubrique de Commentaires vous est ouverte . Anonymat garanti. Ou pas...

lundi 1 octobre 2012

Survivre au soleil

Soul pleureur





Par une belle après-midi de printemps, sur le Prado à Marseille, j'ai croisé une vieille femme, une terriblement décrépite et usée vieille vieille femme, comme seule la misère la plus poisseuse sait les fabriquer, une de ces femmes pauvres au-delà de toute expression, une femme que la société roule et triture entre les doigts gras et sans pitié de sa structure imparfaite qui hurle sa prétendue beauté pour ne pas entendre les cris de ceux qui grouillent de faim. Elle avait, cette femme, les jambes de la mort qui lui pendaient aux épaules, et toute une rangée de dents jaunes ricanaient sur son bonnet raide de crasse.

jeudi 27 septembre 2012

L'Affaire des Bisoux



Un jour, pendant une pause entre deux cours, je fus abordé par la sous-directrice de l'établissement où j'étudiais. Elle avait l'air ennuyé et semblait chercher à éviter les regards de mes camarades, assis çà et là. Après avoir attiré mon attention, la sous-directrice se pencha vers moi et me dit à l'oreille "Vous êtes convoqué chez la directrice, vous et Mlle S. Elle y est déjà. On vous attend."
Allons bon ! Mlle S. – N. de son prénom – était ma petite amie du moment ; nous nous étions rencontrés dans cette école et nous étions "ensemble" depuis quelque temps ; tout allait bien entre nous. Je ne voyais pas ce qui pouvait clocher au point de finir chez la dirlo. A vrai dire, je ne pensais même pas que quelque chose clochait ; je pensai plutôt que N. avait eu un accident.
Je me levai aussitôt pour suivre la sous-dirlo, sous les regards inquiets de mes camarades, qui n'osaient rien dire. Une fois dans le bâtiment administratif, je posai quelques questions qui n'obtinrent pas de réponse ; sinon, peut-être, que ce n'était pas un accident. Je ne me souviens pas ; mais je me souviens que lorsque j'entrai dans le bureau, N. était assise sur une chaise, face au bureau de la directrice, et qu'elle ne me regarda pas.

lundi 24 septembre 2012

Une preuve d'amour









Quand j'avais 27 ans, j'ai suivi un stage de "Production et réalisation cinématographique et audio-visuelle", nom pompeux pour désigner un vague programme de quelques dizaines d'heures de bidouillage plutôt théoriques dispensés par des professionnels en manque cruel de profession - et même, en une occasion, en manque de tout, puisque l'un d'entre eux, un jour, nous envoya sa femme à sa place.

dimanche 23 septembre 2012

Le soir juste avant les ruelles

Photo DR



Je marchais un jour dans la rue d'Italie à Aix-en-Provence. C'était en février et il faisait un froid de canard. La rue d'Italie est dite semi-piétonne, un terme technocratique pour camoufler le fait que les voitures y tentent d'écraser les piétons pendant que les piétons font tout ce qu'ils peuvent pour emmerder les automobilistes. Aix étant ce qu'elle est – une ville snob conçue pour les snobs – et la rue étant l'une des plus commerçantes de la ville, s'y déplacer relève de l'exploit, quel que soit le mode de locomotion. Les choses y vont vite, atteignant souvent une frénésie digne des soirs de réveillon. Quant aux soirs de réveillon, ils sont invivables.
Bref, j'avais toutes les raisons de me dépêcher d'en finir, de sortir de cette rue pour aller... où j'allais. Il me restait une dizaine de mètres à parcourir lorsque j'avisai une silhouette rencognée sous un porche. Je ne sais ce qui attira mon attention. C'était une silhouette masculine, assez petite, vêtue d'un pantalon sombre quelconque et d'une veste de survêtement couleur de muraille. Elle n'avait rien de remarquable ; le capuchon du survêt' lui recouvrait entièrement le visage, mais vu la température, c'était on ne peut plus normal. Ce qui attira mon attention, c'est peut-être que l'individu n'avait pas l'air de se protéger du froid mais d'être à l'affût. Nuance que j'aurais du mal à expliquer.

L'ART DE DISPARÊTRE ou A quoi bon tenir un blog ?




L'art de disparêtre sur Internet
ou À quoi bon tenir un blog ?

Avertissement : ceci est une chronique expérimentale.

Certains livres vous distraient, d'autres vous indiffèrent ou vous ennuient, vous glacent de terreur ou vous font mourir de rire ; il en est dont la fonction semble de faire réagir. Aujourd'hui, j'ai donc décidé de mener une expérience : je laisse ouverte la fenêtre Nouveau message de mon blog et, tout en lisant Le Yogi et le Commissaire, d'Arthur Kœstler (recueil d'articles écrits entre 1940 e 1944), je prends des notes et je commente. (Sauf indication contraire, les phrases en italique sont d'A. K.)


jeudi 20 septembre 2012

LA VOIX ABSOLUE : Hommage à Georges Aminel

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Dans le film Le Magnifique, de Philippe de Broca (1968, scénario de François Veber, Philippe de Broca et Jean-Paul Rappeneau), j'ai toujours cru que le personnage de Georges Charron, l'éditeur de François Merlin, était une caricature. Maintenant que j'ai eu une vague carrière d'écrivain et que j'ai dû côtoyer de vrais éditeurs, en revoyant le film récemment, je me suis aperçu que non seulement Charron n'est pas caricatural, mais qu'au contraire, il est hurlant de vérité.
C'est pourquoi (!) je tiens à rendre hommage ici et maintenant aux deux personnes de l'ombre qui constituent le personnage savoureusement haïssable de Charron / Karpov : son acteur Vittorio Caprioli, l'un des plus méconnus de l'histoire des cinémas italiens et français (il a tourné dans plus de cent films) ; et surtout son doubleur français, l'acteur de théâtre Georges Aminel, alias Jacques Maline, dont la voix extraordinaire a bercé mon enfance et mon adolescence et résonne encore sous mon crâne quand je me raconte des histoires. Car il fut à lui seul l'incarnation du Mal hypnotique mais bourré d'humour, de la tentation de se laisser aller à écouter des heures sans rien faire tous les conteurs et griots du monde.

lundi 17 septembre 2012

Le patron du Moi



Un jour, quand j'avais 25 ans, je travaillais comme préparateur et convoyeur de véhicules dans une agence de location. Ce boulot consiste essentiellement à nettoyer les bagnoles et les camionnettes, à vérifier les niveaux de liquide, la pression des pneus, etc. Il faut aussi aller les chercher là où des clients les laissent (parfois en panne), ou bien les amener là où ils veulent les prendre (généralement, un endroit perdu et/ou bizarre).
Une autre attribution du "jockey" (comme on disait en jargon de loueurs) découle d'un aspect technique des contrats de location : les assurances ne fonctionnent pas tant que le loueur n'a pas expressément visé le permis de conduire du locataire et inscrit son numéro sur le contrat. Or, beaucoup de gens viennent à l'agence en ayant oublié leur permis, soit chez eux, soit à l'hôtel où ils séjournent. Dans le deuxième cas, la solution est simple : le "jockey" (qui, étant employé, est couvert par l'assurance du loueur) raccompagne le client à son hôtel, en conduisant le véhicule que celui-ci est venu louer. Ça évite au client de reprendre un taxi et ça permet au loueur de facturer quelques kilomètres de plus. Accessoirement, on peut aussi faire quelques rencontres, puisqu'on a le temps de parler pendant les embouteillages (les clients à problème viennent toujours aux heures de pointe).

CLOUD ATLAS / CARTOGRAPHIE DES NUAGES de David Mitchell : bientôt le film (peut-être)

photo DR



En 2004 sortait Cartographie des Nuages (le titre est celui de l'éditeur L'Olivier), le troisième roman de David Mitchell, que je considère comme le meilleur roman de la décennie 2000. Le 8 octobre 2012 sort au Canada l'adaptation cinématographie de ce chef-d'oeuvre absolu. Le réalisateur en est Tom Tykwer et les producteurs sont les Wachowsky frère et soeur.
En 2008, j'avais découvert l'Atlas des Nuages parce que Marc Vassart me l'avait recommandé, ayant lu ma novella Rangatira, qui retrace le voyage en Europe en 1840 d'un représentant du peuple Moriori, sujet que Mitchell abordait aussi dans la première partie de son roman-gigogne.

jeudi 13 septembre 2012

LE SERVAL NOIR de Marc Vassart



Après la chiraquienne décision de créer un musée des Arts dits premiers, Somerset Bienvenue, ethnolinguiste au Musée de l'Homme sentant son service voué à la disparition, remue ciel et terre pour trouver un moyen de remplumer son prestige et le rendre indispensable à la recherche française.
Somerset Bienvenue a une grande gueule, mais ses arguments ne parviennent pas à faire mouche. En désespoir de cause, il suit une intuition bizarre, en l'occurrence une machine qui permettrait de lire le relief des poteries faites au tour, restituant la voix du potier au moment où il exécutait son travail. Alors que l'armée US envahit le Kenya pour des raisons «humanitaires», Somerset Bienvenue se retrouve en Tanzanie à la recherche de la langue originelle des Hadzabé, découverte qui redorerait le blason de son service.

lundi 10 septembre 2012

Moeurs libres (et tais-toi !)

Crâne d'étudiant après coups de crosse.




Après le bac, j'ai choisi d'étudier le cinéma ; à la fac. Donc, pour faire plus administratif : un DEUG de Communications et Sciences du Langage, option Cinéma. Un des cours que je suivis était celui d'« Atelier de création filmique », titre bien ronflant pour désigner ce qui était surtout un joyeux bordel. La première année, il s'agissait de réaliser un court-métrage en super-8 ; la deuxième, on était encouragé à tâter de la vidéo.

LETTRE OUVERTE à la ministre de Cultura, suivie d'une IMMODESTE PROPOSITION


« C’est l’éditeur qui fait la littérature » dixit Filipetti, ministre de Cultura.

Varions sur le thème :
C’est le galeriste qui fait la peinture ; le producteur qui fait le cinéma ; le plombier qui fait l’hygiène ; le cuisinier qui fait l’appétit ; le sexologue qui fait l'amour ; le papetier qui fait l'éducation ; le cafetier qui fait l’ivresse ; le couturier qui fait la beauté ; le cochon qui fait la charcuterie ; l’oie qui fait la poésie ; le politicien qui fait la démocratie…
Oups ! Un lapsus...
Au fait, avant que je n’aille plus loin - c’est-à-dire trop loin - qui « fait » vos discours ?

vendredi 7 septembre 2012

Enfant du pétrole joue de la pistole




« enfant du pétrole joue de la pistole »

(proverbe raffiné)




Un parfum de guerre règne sur le ciment
Saddam est inquiet
Il achète des sacs de sable à Jean-Marie
Pour construire des barricades qui partiront en poussière se mêler aux lambeaux de chair humaine
Les journalistes français lèchent les bottes de Jean-Marie
Pour aller sur place raconter la gu-guerre
La gu-guerre qui-aura-bien-lieu
Les journalistes français ont le droit d’aller où ils veulent
Les soldats aussi
(on les distingue à leurs uniformes : les soldats sont kaki, les journalistes sont kodak)
Tout cela parce que la France est un pays libre
La France est un pays libre
La France est un pays libre
(Oui, il faut le dire trois fois en fermant les yeux pour espérer que ça devienne vraiment vrai)
Je regarde autour de moi  :
La France a encore l’air libre
Et l’eau courante
Les autoroutes payantes...
Merde ! J’ai encore oublié que les artistes
N’ont pas le droit de faire de politique
(Ni de dire merde)
C’est sérieux, la politique
Faut être vachement sérieux
Pour faire la gu-guerre
En poussant des chars d’assaut sur une carte
Grosse comme le monde.
Sous la carte.. le carburant
Qui propulse les chars
Qui vont protéger le pétrole
Qui inondera les campagnes
Les campagnes politiques

mardi 4 septembre 2012

Le Principe de la Balle à blanc


LE PRINCIPE
DE LA BALLE À BLANC
ou le Remède pour guérir du Capitalisme


         Chers correspondants, comme vous le savez peut-être, lors d'une exécution militaire, l'officier qui distribue à chaque soldat la cartouche qui va permettre d'appliquer la sentence explique à ses hommes que l'une de ces douze balles est chargée à blanc ; ainsi les braves soldats - qui, dans les pays démocratiques, ont été tirés au sort ; dans les autres, ils sont volontaires - pourront se sentir moins coupables en se persuadant qu'ils n'ont pas vraiment tué leur ancien camarade devenu déserteur.

lundi 3 septembre 2012

Vendez-nous notre pain quotidien



Un dimanche de mon enfance, mes parents décidèrent de m'inculquer un certain sens de la responsabilité vis-à-vis de l'argent. Je devais avoir sept ou huit ans ; ils me confièrent la mission d'aller acheter le petit déjeuner familial à la boulangerie du village et me donnèrent un billet de 50 francs, ce qui faisait beaucoup pour l'époque (1974) et pour un petit garçon.

mardi 28 août 2012

A lire : ZEN CITY de Grégoire Hervier


 
Zen City 

de Grégoire Hervier

(aux éditions Au Diable vauvert)

Dominique Dubois n'est pas un héros ; la preuve, c'est vous. C'est le Français moyen, celui qui vote où on lui dit de le faire, proprement, sans faire de vagues. Mais comme il n'a pas la « chance » d'être le fils de quelqu'un de connu ou d'avoir un nom qui résonne dans l'inconscient collectif comme une formule magique, il n'a de fait aucun pouvoir. C'est un consommateur normal, prévisible, étudiable. Autant dire qu'il a vaguement conscience de s'ennuyer dans sa vie et d'être manipulé (oh, pas méchamment, bien sûr) par des forces qui le dépassent et que, d'ailleurs, il ne lui viendrait même pas à l'idée de combattre, puisqu'elles le défendent contre... d'autres forces. Il est donc comme tout le monde ; la preuve : c'est le héros du livre.

A lire : BESTIAIRE AMAZONIEN de François Feer


Bestiaire amazonien



Bestiaire amazonien
de François Feer
(éditions Le Dilettante)


Voici quelques années, après l'invention de la « jungle urbaine » (concept justifiant le démantèlement de la culture au profit d'une sécurité peu sociale), est apparue une nouvelle sous-espèce humaine : l'homo sapiens lectorans. Celui-ci, hagard mais décidé à survivre, cherche les ultimes bons livres dans la jungle gonflée aux hormones du marketing mondial inféodé aux gras distributeurs (F1635 : goncourisone, BHL000 : romankétine, $700$ : néolibéralyse, en sont les principales représentantes). Comme tous les chercheurs hagards et décidés, c'est dans les grands moments de désespoir, tout près d'abandonner et de céder aux appels les plus clinquants, que lectorans déniche soudain la perle, le papillon rare, le parangon de ces bois méphitiques.

lundi 27 août 2012

Mon premier château en Espagne




Un jour, quand j'avais quatre ans, je faisais des pâtés dans le bac à sable de la maternelle. J'étais tout seul et je m'amusais bien ; à vrai dire, j'étais même très fier d'avoir réussi à placer un pâté parfaitement formé au-dessus de trois autres disposés en triangle. C'était sans doute ma première construction !

samedi 25 août 2012

DICTIONNAIRE DES VOYAGEURS... de François Angelier: Une encre bonne à jeter ?




Dictionnaire des Voyageurs et Explorateurs occidentaux
du XIIIe au XXe siècle
de François Angelier
(éditions Pygmalion, 2011)

L'autre jour, en visite chez mon bouquiniste favori, j'eus le regard attiré par un objet séduisant : un beau gros livre à la couverture bleue et vanille arborant une caravelle toutes voiles dehors et un bout de carte représentant l'Amérique centrale. C'était le Dictionnaire des Voyageurs et Explorateurs occidentaux (du XIIIe au XXe siècle) de François Angelier, aux éditions Pygmalion.

jeudi 23 août 2012

Chronique à lire super vite avant qu'elle ne s'épile

Livre fabriqué à la main par un être organique, doté de sentiments changeants mais reconnaissables, communicables et vivants ; espérance de vie : 5 à 10 siècles. (L'objet et sa photo ont été réalisés par Aurélie Tanguy).

Aujourd'hui, j'apprends que le progrès technologique a encore fait "progresser" l'humanité d'un cran... sans préciser dans quel sens. Il s'agit du livre à encre biodégradable.
Tu l'achètes sous vide, tu l'ouvres, l'air (ou la lumière) entre en contact avec l'encre et entame lentement son travail de sape. Deux mois plus tard, les pages sont blanches ; si tu n'as pas fini, tu es bon/ne pour le racheter. Pas mal, non ? comme "stratégie" marketing. Faut en parler à Naomi Klein, ça devrait la faire rire. Quoique.

Un coin tranquille... (Episode 21584)


UN COIN TRANQUILLE


Par une après-midi de fin novembre, ayant une heure à trucider, je décidai de la passer en buvant un café en terrasse. Il faisait un froid vif mais l'absence de vent et d'humidité le rendait supportable. J'avais surtout envie de ne pas m'enfermer dans un endroit bondé et saturé de fumée (la chose était encore possible à l'époque).
Certains bars rangeant leurs tables et leurs chaises dans leur salle principale pour la nuit, ils sont obligés de déplier leur terrasse dans la journée, même si personne ne s'en sert. J'avisai donc une superbe terrasse vide, sur l'une des places principales de la ville. Trente tables et cent-vingt chaises prenaient le froid depuis le matin, sans que nul ne songeât à les réchauffer de ses miches. Avant de m'installer sur l'une d'entre elles, je pris la précaution de me signaler au serveur, me doutant qu'il ne songerait pas à vérifier une éventuelle clientèle à l'extérieur. Puis j'allai m'asseoir à l'une des tables d'angle, tout-à-fait à gauche de l'entrée du bar.

mercredi 22 août 2012

J'ai lu : N'espérez pas vous débarrasser des livres !


N'espérez pas vous débarrasser des livres


Avant de vous parler de certains livres que j'ai lus (ou pas, si je suis d'humeur taquine), j'aimerais commencer par vous parler des livres en général, à travers un livre particulier. Il s'agit de "N'espérez pas vous débarrasser des livres", qui rassemble des entretiens entre Jean-Claude Carrière et Umberto Eco, animés par Jean-Philippe de Tonnac. En gros, ce petit ouvrage répond à la question (ou jette de l'huile sur le feu de la polémique, si vous préférez) de l'avenir des bons vieux bouquins de papier, en cette ère joyeuse du numérique balbutiant. Qu'en pensent donc ces deux grands penseurs ? (que je ne présenterai pas ici, sans quoi on y serait encore à noël).